La Lorraine dans le temps

La Lorraine dans le temps

La vie en Lorraine au siècle des Lumières - 1.7 la maison militaire de Léopold et l'armée - écoles militaires

La maison militaire de Léopold était une simple garde d'honneur, destinée à faire le service des résidences ducales et à rehausser l'éclat des cérémonies publiques. Elle comprenait deux compagnies de gardes du corps, deux compagnies de chevau-légers et les gardes suisses. Les compagnies des gardes du corps comptaient chacune 60 hommes, tant officiers que simples gardes ; elles avaient pour capitaines MM. de Beauvau et de Choiseul-Stainville. Les compagnies de chevau-légers, fortes de 50 hommes chacune, étaient placées sous le commandement de MM. de Ficquelmont et de Rorlé. Gardes du corps et chevau-légers étaient vêtus de l'habit écarlate, à parements jaunes et brandebourgs d'argent pour les premiers, à brandebourgs d'or pour les seconds. La compagnie des Cent-Suisses, créée par le duc Charles II lorsqu'il eut renouvelé le traité d'alliance de René II avec les cantons confédérés, et rétablie par Léopold peu après son avènement, avait le marquis de Lunati pour colonel.

 

Chevau-légers et gardes du corps furent d'abord logés chez les bourgeois de Nancy. Léopold fil bâtir pour eux, en 1699, près de la porte Saint-Jean, une caserne qui fut occupée en 1701 ; lorsqu'il quitta Nancy, il les établit momentanément à Saint-Nicolas, en attendant la construction du château de Lunéville et des bâtiments qu'il éleva dans cette ville en 1707 et en 1711.

Le régiment des gardes formait avec ces compagnies privilégiées presque toute l'armée lorraine. II avait été créé en 1698 à seize compagnies de 42 hommes et 3 officiers, et fut augmenté, en 1700, de 20 soldats par compagnie. Logé dans les casernes de la citadelle de Nancy, puis à Saint-Nicolas, il détachait trois compagnies à Lunéville et deux autres à Epinal et à Bar ; c'est pour ce corps que furent bâties en 1717 de grandes casernes à l'extrémité du faubourg Saint-Nicolas, à Nancy.

Voulant sans doute se faire illusion sur sa faiblesse, Léopold s'était occupé dès le début de son règne des détails de l'organisation militaire et avait rétabli quelques anciens offices. M. Villemin de Hedenfeld cumulait avec les fonctions d'introducteur des ambassades et de maître des cérémonies, celles de commissaire-ordonnateur : il était spécialement chargé de « faire les montres et revues nécessaires » et de veiller sur l'exacte discipline des troupes lorraines. Jean Ignace de Cléron, comte d'Haussonville, était grand maître de l'artillerie ; Norroy, lieutenant de la maréchaussée, fut élevé à la dignité de « payeur des troupes ». Charles Le Bègue, ancien lieutenant-colonel de cuirassiers impériaux, fut nommé en même temps bailli du comté de Vaudémont et capitaine du château de ce nom. Il y eut un major et un aide-major des ville et citadelle de Nancy.

Léopold eut même des écoles militaires. Il fonda à Nancy, dès 1699, une académie où les jeunes gentilshommes pouvaient apprendre « tous les exercices et se rendre habiles à tous les emplois dignes de leur extraction ». Le règlement des études, publié la même année, faisait la plus large part à l'équitation, à l'hippologie, à la danse et aux exercices militaires. Il consacrait à l'enseignement théorique des mathématiques une heure chaque jour ; l'après-midi du jeudi était réservé aux applications : ce jour-là, dit le règlement, les académistes «iront tous hors de la ville avec le maître des mathématiques, qui leur montrera comment il faut tracer sur le terrain ce qu'ils savent faire sur le papier ; ils apprendront à remuer la terre en faisant des forts, lesquels étant achevés, les uns les défendront pendant que d'autres en feront les approches, ouvriront la tranchée et en feront les attaques.

Ces exercices pratiques étaient suivis le jeudi soir de conférences faites par deux élèves sur un sujet scientifique, mais où tous pouvaient prendre la parole à tour de rôle : des « savants » devaient être convoqués à ces conférences que le règlement avait la prétention de convertir en « une espèce d'académie des sciences ».

On donnait à l'histoire cinq heures par semaine ; en outre, pendant les mois d'été, le dimanche, le professeur résumait son cours dans des entretiens familiers, répondait aux questions des académistes et même à leurs objections. Ces entretiens étaient remplacés, durant l'hiver, par des discours sur les matières les plus variées, faits soit par les professeurs soit par d'autres personnes : « Les uns parleront de l'histoire profane ou ecclésiastique, les autres parleront des sièges, de la manière qu'il faut attaquer ou défendre une place, d'autres parleront de la géométrie, du blason, de la sphère et de la géographie ; le dernier discours sera toujours moral et fait par l'aumônier de l'Académie ou par quelque autre ecclésiastique. »

Plus tard Léopold jugea bon d'adjoindre aux deux professeurs de mathématiques et d'histoire un « lecteur en droit » et un maître de langue allemande. L'Académie eut pour gouverneur le baron de Secaty, un Franc-comtois qui avait dirigé pendant plusieurs années l'Académie royale de Bruxelles, un « très honnête homme, bien fait, poli, galant, bon écuyer, mais très passionné contre les Français ». Installée d'abord à Nancy, à l’hôtel de la de la Primatie, elle fut transférée à Lunéville vers 1709 puis revint à Nancy en 1715. Le prix de la pension s'élevait à près de 3000 livres pour les internes, à 650 livres pour les externes : seuls les riches gentilshommes lorrains pouvaient donc faire suivre à leurs enfants les cours de cette école qui attira un assez grand nombre d'étrangers, des Allemands surtout.

 

Banières des grands chevaux de Lorraine : Ligniville, Haraucourt, du Châtelet et Harnoncourt

 

 

Pour la noblesse pauvre de ses Etats, Léopold forma en 1704 une compagnie de 50 cadets, établie à Gerbéviller, puis à Einville, et qu'il songeait à ramener à Lunéville lorsqu'il la supprima eu 1713, sans doute par raison d'économie. Quelques années après, il la rétablit et la mit à la suite de son régiment des gardes : les cadets devaient être originaires de la Lorraine et faire preuve de quatre générations de noblesse du côté de leur père, avoir quinze ans au moins et servir pendant trois années ; ils étaient entretenus aux frais du duc et recevaient une solde de 10 sols par jour.

M. de Custine, colonel du régiment des gardes, avait pour instructions « de leur faire faire le service avec la dernière exactitude, de les tenir assidus aux leçons de leurs maîtres de mathématiques, d'armes et de danse, et de punir sévèrement ceux qui manqueraient à leur devoir ». D'excellents officiers, au dire de M. d'Audiffret, sortirent de cet établissement.

Les dépenses militaires de Léopold s'accrurent régulièrement ; elles s'élevaient déjà à 372 056 livres en 1706, pour atteindre 465 223 livres en 1720, et 620 665 livres en 1725. C'était beaucoup pour un prince dont les courtisans disaient, au lendemain de son mariage avec la nièce de Louis XIV, qu'ils n'avaient besoin de gardes que pour l'ornement de la cour et qu'il n'y avait État mieux gardé que le leur grâce aux troupes que le roi de France tenait en garnison dans les provinces voisines.

Tel n'était pas l'avis de Léopold, qui s'efforçait d'augmenter le nombre de ses troupes, comme si elles eussent pu, un jour, lui servir autrement que pour la parade. C'est ainsi qu'il réorganisa les milices bourgeoises des villes : celle de Nancy comprenait une compagnie de huiliers, laquelle avait le pas sur les compagnies des quartiers et ne devait pas compter plus de 70 hommes ; cette sorte de garde nationale, supprimée pendant l'occupation de la ville par les Français, fut rétablie en 1717, et recevait encore, en 1719, du grand maître de l'artillerie, 110 livres de poudre pour ses exercices. Lunéville, Dieuze, Épinal, etc., avaient aussi leurs compagnies, et l'ordonnance du 28 avril 1726 porta règlement pour la milice bourgeoise des duchés.

 

 

 

 

 

 

 

 



29/03/2020
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