La Lorraine dans le temps

La Lorraine dans le temps

Commercy (Meuse)

Position géographique. — Commercy, ancien chef- lieu d'un bailliage royal ressortissant au Parlement de Nancy, est situé dans une vaste et belle prairie arrosée par la Meuse, et sur le chemin de fer de Paris à Avricourt, à 294 kilomètres E. de Paris et 41 de Bar. — 3°15' de longitude orientale et 48047' de latitude boréale. Altitude ou élévation au-dessus du niveau de la mer : 243 mètres (église). — Population : en 1803 : 3.548 hab. En 1851 : 4.012 hab. En 1901 : 7.724 hab. (2.556 à part).— Conseillers municipaux, 23. — Patron : saint Pantaléon, 27 juillet.

 

Par la beauté de sa situation sur la rive gauche de la Meuse, par la régularité de ses quartiers, par ses rues presque toutes alignées et parfaitement entretenues, par les monuments remarquables qui s'y trouvent, par la gare assez importante qui y jette l'animation, Commercy passe, avec raison, pour une assez jolie petite ville, au séjour agréable.

 

Organisation. Cette ville est le siège d'une sous-préfecture et d'un archiprêtré. Elle possède une inspection des forêts, une recette particulière des finances, une perception des contributions directes, une recette des contributions indirectes, un entrepôt des tabacs, une recette des domaines, une recette des postes, télégraphes et téléphones, une caisse d'épargne et de prévoyance créée par ordonnance du 23 juin 1837, un ingénieur des ponts et-chaussées (arrondissement de l'est), un agent-voyer d'arrondissement, trois notaires, un vaste hospice, un bureau de bienfaisance, etc. Elle a aussi une garnison d’infanterie et de cavalerie.

Un inspecteur de l'enseignement primaire réside à Commercy. L'enseignement secondaire y est donné par un collège. Sans parler de l'école normale d'instituteurs établie dans cette ville et qui compte 60 élèves, l'enseignement primaire est donné par une école primaire supérieure de jeunes filles, plusieurs écoles primaires publiques ou privées de garçons, de filles et écoles maternelles.

 

 

 

Historique — Commercy, appelé dans les anciens titres Commarchia, Commarcium (marche, frontière), existait dès le IXème siècle. Cette terre, quoique placée en Lorraine et a la limite du Barrois, n'a jamais été unie ni incorporée à l'une ou l'autre de ces provinces avant le XVIII siècle. Elle avait ses lois, coutumes et juridictions spéciales et ses charges et redevances n'avaient rien de commun avec celles des peuples voisins. Ses seigneurs portaient le nom de damoiseaux. Le premier dont fasse mention est Louis, qui vivait en 967.

 

Au Xème siècle, Commercy a appartenu aux évêques de Metz, qui en firent l’échange contre la seigneurie de l'abbaye de Bouzonville, avec Thierry, second duc héréditaire de la Lorraine.

C'est vers cette époque que fut fondé au village de Breuil, faubourg de Commercy, un prieuré de bénédictins qui était déjà important en 1090 et qui fut donné à l'abbaye de Molesmes. Pibon, évêque de Toul, renouvela et confirma celte donation en y ajoutant la cure de Commercy. En 1124, Ricuin de Commercy, évêque de Toul, ratifia toutes ces donations. Ce prieuré fut incorporé à la Congrégation de Saint-Vanne de Verdun, en 1663. Il avait été établi à Breuil à la place d'un oratoire de religieuses sous l'invocation de saint Pantaléon, lesquelles furent transférées-à Saint-Maur de Verdun. La maison de Breuil devint plus tard un établissement important, où l'on cultivait les lettres latines jusqu'à la rhétorique inclusivement. Il a subsisté jusqu'à la Révolution.

La terre de Commercy, possédée depuis longtemps par la maison de Broyes, entra dans celle de Sarrebrück, par le mariage de Simon de Sarrebrück, avec Elisabeth de Broyes, fille unique et héritière de Simon de Broyes, seigneur de Commercy (1265). C'est de ce Simon que descend l'illustre maison de Sarrebrück qui a conservé le beau domaine de Commercy jusque vers la fin du XVème siècle.

L'un des membres de cette famille, Jean 1er de Sarrebrück, a donné à Commercy une charte d'affranchissement (décembre 1324).

Cette seigneurie importante était divisée en deux parties possédées l'une et l'autre par des branches de la maison originaire de Sarrebrück, ville allemande sur la Sarre. Par suite de cette division, il y eut à Commercy deux châteaux, dont l'un, appelé le Château-Haut, se faisait remarquer par ses fortifications. Les seigneurs qui le possédaient étaient connus sous le nom de damoiseaux de Commercy, souverains d'Euville.

Cette seigneurie, après avoir passé dans la maison de Silly, vint par Françoise-Marguerite de Silly à Philippe-Emmanuel de Gondy, comte de Joigny, père du cardinal de Retz. Ce dernier seigneur y résida plusieurs années à son retour d'Italie, partageant son temps entre les entretiens philosophiques qu'il aimait à avoir avec les savants bénédictins (le Breuil, et ses promenades à Ville-Issey, où il possédait un autre château sur la Meuse.

Rappelé à Paris par les évènements politiques, le cardinal vendit Commercy au duc Charles IV, s'en réservant toutefois l'usufruit jusqu'à sa mort. Celui-ci le donna au prince de Lillebonne, son gendre. Le prince Henri de Vaudémont, fils du duc Charles, l'ayant ensuite possédé en souveraineté, fit démolir le château en 1708, et sur ses ruines fit construire le nouveau sous la direction et d'après les plans du bénédictin Léopold Durand.

Dans la partie inférieure de Commercy se trouvait le Château-Bas, provenant du partage qui eut lieu en 1389 entre Philippe, comte de Nassau-Sarrebrück et ses deux frères, Simon et Amédée de Sarrebrück. Il avait été stipulé dans ce partage que Philippe ne ferait construire dans la partie basse qu'une simple tour; mais, au mépris de ses engagements, ce seigneur y éleva un donjon avec plusieurs tours et une vaste enceinte de murailles. La guerre qui s'en suivit n'eut pas de suites fâcheuses ; elle fut terminée la même année par un accord entre les trois frères.

 

 

Après avoir dépendu longtemps de la seigneurie qui conserva le nom de Sarrebrück, le Château-Bas passa dans plusieurs autres maisons. Nous ne pouvons raconter ici la vie de ces seigneurs de Sarrebrück, dont plusieurs se firent remarquer par leurs violences et leurs excès. Nous dirons seulement qu'en 1433, l'un d'eux, Jean Nassau-Sarrebrück, vendit la seigneurie de Commercy avec toute la ville de Vignot au prince Louis, lieutenant des duchés de Lorraine et de Bar, marquis de Pont et fils de René 1er, roi de Sicile, moyennant la somme de quarante deux mille vieux florins du Rhin.

Les ducs de Lorraine ne conservèrent pas longtemps cette acquisition. René II voulant récompenser les services que lui avait rendus en Italie son chambellan et conseiller, Nicolas de Montfort, comte de Campobasso, lui donna, en 1472, cette seigneurie, d'abord à vie, ensuite à perpétuité pour lui et ses héritiers mâles. Mais le comte de Campobasso étant mort sans enfants mâles, cette terre revint à René II, qui la donna à son fidèle écuyer, Gérard d'Avillers. Celui-ci rendit alors au duc la terre de Châtenois qu'il en avait reçue quelques années auparavant.

Vingt-trois ans après, un petit-fils du comte de Campobasso revendiqua la terre qui avait appartenu à son aïeul. Un procès s'ensuivit, et le duc Antoine, pour mettre fin à ces débats, accorda au jeune réclamant deux mille livres pour obtenir sa renonciation.

En 1527, la veuve de Gérard d'Avillers, qui possédait en douaire la seigneurie de Sarrebrück, y renonça moyennant une rente viagère de 1800 livres que le duc Antoine consentit à lui accorder. Rentrée en libre possession dans la maison de Lorraine, la seigneurie de Commercy fut donnée en 1530 par le même duc, à la sollicitation de son épouse Renée, à Jacques de Villeneuve, gouverneur du marquis de Pont, leur fils, en échange de son domaine des Koeurs. Après avoir fait de nombreux embellissements à son château, Jacques de Villeneuve mourut, laissant orpheline une jeune fille nommée Antoinette que les princes de Lorraine firent élever à leurs frais et marièrent ensuite à Jean d'Urre, seigneur de Thessières, en Dauphiné, qui devint ainsi seigneur de Commercy (1542).

La maison d'Urre, comme tant d'autres; finit aussi par s'éteindre. Dorothée d'Urre de Thessières, seule héritière de ce domaine, le fit passer dans la maison des Armoises par son mariage avec Jean des Armoises, seigneur de Jaulny (1629). Enfin, en 1719, le duc Léopold l'acheta de la maison des Armoises et le réunit à l'autre partie de Commercy ou Château-Haut, dont il était déjà possesseur.

 

 

Dans l'acte de cession de la Lorraine, du 17 février 1737, l'usufruit de la seigneurie de Commercy fut réservé en faveur d'Elisabeth-Charlotte d'Orléans, duchesse douairière de Lorraine et de Bar. Cette princesse étant morte à Commercy en 1744, Stanislas 1er, roi de Pologne et duc de Lorraine, en devint seigneur usufruitier et y fit, l'année suivante, son entrée solennelle. A sa mort, arrivée en1766, Commercy fut réuni à la France avec toute la Lorraine par suite du même traité de cession de 1737.

Stanislas et ses deux prédécesseurs, le prince de Vaudémont et la duchesse douairière s'étaient plu à embellir Commercy. Le château, construit en 1708 par le prince de Vaudémont sur l'emplacement d'un ancien fort détruit par le cardinal de Retz, fut en quelque sorte transformé par Stanislas, qui en fit une demeure vraiment royale. On en trouve une pompeuse et élégante description, faite par le père Berthier, dans le Journal de Trévoux, janvier 1752. Le Château-Bas fut alors démoli pour augmenter les jardins et la vue de l'autre dans la direction de Sampigny.

 

Ces lieux enchantés étaient dans toute leur magnificence quand la reine de France, Marie Leczinska, y vint visiter le roi Stanislas, son père, accompagnée de toute sa Cour. Elle y séjourna trois semaines, du 19 août 1765 au 10 septembre suivant.

A la mort du roi Stanislas, en 1766, tous ces enchantements disparurent : jardins, massifs, avenues, château- d'eau, cascades, grottes, tout fut détruit alors, comme pour enlever aux habitants le souvenir de leur ancienne domination. Le château seul fut conservé et transformé en un quartier de cavalerie, où, dès 1767, furent installés les dragons d'Autichamp.

Commercy était autrefois environné d'une épaisse muraille flanquée de tours, dont la plus forte, nommée la Tour-Noire, se trouvait au nord de la ville. Il y avait plusieurs châteaux ou forts : on voit encore les débris de l'un d'eux, dit Château-Bas, construit, ainsi que la Tour- Noire, en 1344, et plusieurs fragments de défense.

 

La ville de Commercy a soutenu plusieurs sièges. L'un des derniers et le plus mémorable est celui qu'en fit Ferdinand de Gonzague, vice-roi de Sicile et général de l'armée de Charles-Quint, en 1544. La résistance des assiégés fut telle que Ferdinand, pour prendre la place, se vit forcé de couper la rivière, d'organiser une attaque en règle et de faire brèche avec le canon. On voit encore à l'Est de la ville, qui fut alors ravagée par l'incendie, dans une prairie où l'armée de Charles-Quint a campé, les vestiges d'un retranchement qui porte encore aujourd'hui le nom de Fossé-des-Allemands.

 

Anciennement Commercy portait : d'azur semé de croix pommettées au pied long d'argent. Devise : QUI MESURE DURE. - Sous les derniers comtes, ses armes étaient : de gueules à trois demoiselles de paveur (l'argent mises en pal, I, I, I.  Le sceau de la ville était saint Pantaléon.

 

 

 

Hommes célèbres. — Les hommes les plus remarquables nés à Commercy sont :

Jean de Sarrebrück (ou de Sarrelwuche), évêque de Verdun (71404-1419), puis de Châlons où il est mort en 1438.

Hogier-Jacquemin, architecte, qui a dirigé la construction du portail et des tours de l'église cathédrale de Toul ; né en 1371, mort en 1446.

Thévenin (Pantaléon), auteur d'un commentaire sur l'histoire de la philosophie, imprimé à Paris en 1582. Marin (Léopold), auteur d'une histoire latine, imprimée en 1705.

Durival (Nicolas), auteur d'une histoire estimée de la Lorraine et du Barrois (71713-1795).

Denis (Claude-François), érudit et archéologue distingué (-1762-1847). Son fils, né également à Commercy, a été un médecin remarquable.

Braconnot (Henri), chimiste célèbre à qui la science est redevable de plusieurs découvertes, entre autres de l'acide pyrogallique, de la légumine, de la bougie stéarique et du sucre de bois. Ce savant modeste légua 280.000 francs à la ville de Nancy ; — né en 1780, mort en 1854.

 

 

Monuments. On admire à Commercy le magnifique château de ses anciens souverains, construit en 1708 par le prince de Vaudémont et embelli par Stanislas. Ce superbe édifice, transformé en un quartier de cavalerie, passe pour un des plus beaux de France.

 

Il y avait autrefois à Commercy, deux églises qui touchaient au château par les tribunes : Saint-Pantaléon à droite et Saint-Nicolas à gauche. — L'église paroissiale, actuellement Saint-Pantaléon, a été construite en 1575, C'est un édifice monumental du style de transition de l'ogival à la Renaissance ; la voûte est soutenue par des colonnes d'un bel effet: le chœur et le transept ont été reconstruits et agrandis en 1870, style roman-ogival. L'église Saint-Nicolas, mentionnée ci-dessus, était la collégiale des chanoines, et servait de paroisse aux habitants du château, de la forge, du moulin, etc.

L'Hôpital, placé à l'entrée d'une belle avenue de tilleuls aboutissant à une tranchée qui s'élève en amphithéâtre dans la forêt, existait dès 1186 et n'était alors qu'une maladrerie. Il a été rebâti et doté en 1709 par le prince de Vaudémont.

On remarque encore l'Hôtel-de-Ville sur une belle place ; l'École normale, située à Breuil, dans l'ancien couvent des Bénédictins, et qui a remplacé, en 1854, la sous préfecture transférée au centre de la ville, rue Carnot, et l'Hôtel de la Caisse d'épargne, construit en 1904. On a érigé, en 1865, la statue de Dom Calmet sur la place qui porte le même nom, et, en 1907, sur la place des Chanoines, le buste du docteur Denis.

 

 

Industrie et commerce. — L'industrie la plus favorisée est celle des madeleines, connues et estimées non-seulement des Français, mais d'une grande partie des Européens.

Les Forges de Commercy comprennent des forges, aciéries, tréfileries, clouteries, etc., occupant 500 ouvriers. Depuis la construction du chemin de fer, le commerce des bestiaux a acquis une certaine importance.

La culture des pommes de terre se fait aussi en grand à cause de la nature du sol et de la facilité de l'exportation.

La gare et le port de Commercy servent à l'expédition en grand de la pierre de taille provenant des carrières environnantes, notamment d'Euville.

5 foires : 10 mars, 2 mai, 27 juillet, -12 septembre et 8 décembre. Un marché aux bestiaux, fixé au premier lundi de chaque mois, est tombé en désuétude. Marché aux provisions les lundi et vendredi. — Marché, aux petits porcs, le lundi de chaque semaine. ---- Marché aux grains, le 1er et le 3ème lundis de chaque mois.

 

 

Écarts.  Forges et aciéries, avec château, à 600 m. de la ville.— Écluse du canal à 700 m., et Menaufile, passage à niveau, à 800 m. — Hardonrupt,, maison forestière, à 6 kilomètres.

 

 

 

Extrait de l’ouvrage « Département de la Meuse : géographie physique, économique et administrative par H. Lemoine, » - 1909.

 



09/01/2018
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