La Lorraine dans le temps

La Lorraine dans le temps

L'état actuel de l'électrification des campagnes dans le département des Vosges

 

L’électrification des campagnes dans le département des Vosges est un problème qui fut abordé dès avant la guerre, mais qui ne reçut de solution cohérente et logique qu’après 1922. Quelles sont en effet les conditions naturelles qui ont pu soit y favoriser, soit y entraver la production de l’énergie, puis sa distribution ? Quelle est l’influence du milieu physique sur la solution donnée aux deux problèmes que pose successivement l’électrification rurale ?

 

Nous nous trouvons en face d’une région sans unité physique : si en effet, le mot de Vosges évoque une région déterminée, la partie montagneuse ne constitue en réalité que les deux cinquièmes environ du département.

La chaîne des Vosges orientée, sud-ouest - nord-est, exposée aux vents océaniques, est une des régions les plus arrosées de France. Mais considéré du point de vue de la production de l’électricité, ce facteur n’est pas essentiel ; la continuité prime la quantité : or que trouvons-nous dans les montagnes vosgiennes en fait de réserves susceptibles de fournir de l’énergie hydraulique ? Pas de neiges persistantes, pas de glaciers et, en dehors la vallée de la Vologne, pas de lacs analogues à ceux du versant alsacien. Si l’irrégularité caractérise le débit des innombrables rivières vosgiennes, aussi bien sur un versant que sur l’autre, le relief n’est pas plus favorable. La dissymétrie des Vosges favorise le versant alsacien (hauteur de chute : Lac Blanc, 1.050 m., Colmar, 200 m., = 850 m.). Les vallées vosgiennes descendent vers la plaine en pentes beaucoup moins inclinées. Les rivières, en outre, si nombreuses (Moselle, Moselotte, Cleurie, Vologne, Barba, Mortagne, Meurthe, Rabodeau) ont une disposition rayonnante qui les éloigne les unes des autres. Nulle part, en France, les bassins hydrographiques ne sont aussi cantonnés, aussi isolés. Pas de concentration des eaux ; donc, à l’exception de la Moselle, pas de rivière à débit élevé. Et l’extrême irrégularité de son débit ne permet de compter que sur un minimum de forces. Ces circonstances rendent tout à fait impossible l’établissement d’une usine à fort rendement.

 

Sans doute les rivières vosgiennes donnent à un observateur superficiel l’impression d’être toujours à l’origine de l’industrie qui s’échelonne sur leurs bords. Cela est vrai sans doute des scieries, d’un grand nombre d’industries textiles : le fait de voir s’établir dans les fermes de la montagne, pourvues d’une chute d’eau, 8 ou 10 métiers fonctionnant pour une usine du fond de la vallée, par exemple : à Fresse-sur-Moselle, à la Bresse, en est bien caractéristique. Mais il ne faudrait pas oublier que si la vallée et le cours d'eau ont fixé l’industrie, c’est avant tout parce qu’ils offraient l’eau (indispensable aux industries textiles), la main-d’œuvre, abondante surtout dans les parties basses des vallées, et les communications, plus essentielles que tout le reste à l'industrie cotonnière qui reçoit sa matière première par fer. Mais l'insuffisance de l'énergie hydraulique des Vosges s est révélée de plus en plus grave à mesure que l'industrie s'est montrée plus exigeante (nombre croissant des broches : juxtaposition des usines dans les centres les plus favorables ; 9 filatures et tissages à Saint-Maurice, 7 à Bussang, 5 à Fresse-sur-Moselle).

 

Pour la plupart d'entre elles, le cours d'eau s'est montré rapidement insuffisant à assurer l'énergie nécessaire à la machinerie. Et si chaque usine, fabriquant son énergie électrique, la distribuait à ses cités et généralement au hameau dont elle faisait partie, la source de production trop faible, n'alimentait pas un rayon de plus de 500 m, 1'électricité n'était produite que localement, pour les besoins privés de l'usine.

 

Contrairement à d'autres régions beaucoup mieux pourvues de forces, où la production de l'électricité hydraulique a fait naître et se développer des industries variées, dans la montagne vosgienne, la production de l’énergie, conçue dans un sens plus général et plus abondant, est une nouvelle venue, qui a dû s'accommoder des reliquats d'énergie laissés par les besoins industriels et qui est même, le plus souvent, exotique, au sens étymologique du mot, Contrairement aux apparences, la montagne vosgienne n’est donc pas spécialement favorisée par la nature en ce qui concerne la production de l'énergie. Il est significatif qu’une localité comme Gérardmer située dans la vallée des lacs, que la fraîcheur du relief glaciaire paraît prédisposer cependant à la production de l'électricité par l’utilisation des chutes et lacs naturels, ait été dès 1908 électrifiée par une centrale thermique, celle de Ronchamp, malgré la distance considérable qui l'en sépare et les difficultés du relief intermédiaire.

 

Dans la plaine, les apparences physiques sont absolument défavorables à la production d'énergie électrique : pluies moins fréquentes, sol calcaire, rivières lentes moins abondantes (Madon, Illon, Vair, Vraine, Meuse, Saône et Coney), productions uniquement agricoles, rien ne favorisait la création d'une source d'énergie dont la nécessité, du reste, ne s’imposait pas. Les conditions économiques de la production de l'énergie devraient donc être absolument dissemblables. Ce n’est pourtant là qu’une apparence : nous retrouvons ici aussi l’électricité, « enfant pauvre de l'industrie » et produit accessoire des industries agricoles dispersées. C’est ainsi qu’à Isches, Qutrancourt, Coussey, Hautmougey, Monthureux-sur-Saône, Maxey-sur-Meuse, etc ..., des industriels disposant d’un supplément de force hydraulique passèrent des contrats avec les communes eu vue de distribuer la lumière et quelquefois la force électrique. Mais à l’examen des contrats de concession, on devine aisément ce que pouvaient être ces distributions, en général, l'énergie n'est fournie qu'après que l’usinier n’en a plus besoin pour la marche de ses ateliers, c'est-à-dire après 5 heures ou 6 heures du soir, Ensuite l'énergie n'est mise à la disposition des abonnés que jusqu'à une certaine heure de la nuit : 10 heures. Enfin l'usinier réserve le cas où il ne pourrait plus fournir de courant soit que les hautes eaux submergent les turbines, soit que le manque d’eau par suite de la sécheresse lui en rende la chose impossible. En revanche, les conditions d’abonnement étaient des plus avantageuses : pour 20 francs par an, on pouvait allumer une lampe autant qu’on le désirait, à condition qu’il y eût du courant.

 

L’insuffisance des conditions physiques apparut d’autant plus nette qu’au début du XXème siècle la question de l’électrification rurale est envisagée sous un autre aspect : celui d’un service public qui doit assurer avec une continuité absolue une distribution d’énergie pratiquement illimitée. Il faut donc de puissantes usines de production et des ouvrages construits avec le maximum de garanties pour l’avenir. C’est pourquoi, s’affranchissant d’un milieu géographique médiocrement favorable, où l’énergie disponible n’était plus guère abondante, on a dû chercher hors du département de nouvelles sources d’énergie. La production de l’énergie électrique de grande consommation, de celle que l’on pourrait appeler « au long cours » ne doit plus rien aujourd’hui, ni à la montagne vosgienne, ni aux cours d’eau débiles de la Plaine.

 

Un coup d’œil sur la carte du réseau de distribution d’énergie électrique du département des Vosges le montre tributaire : 1° de la centrale électrique de Vincey, centrale thermique de 40.000 kws de puissance, chargée d’ailleurs de desservir une partie de la Meurthe-et-Moselle (affranchissement total des limites mêmes du département) ; 2° de sources d’énergie complètement étrangères à la région : d’une part, le centre de la Basse-Moselle, La Houve (et Petite-Rosselle), centrale thermique par excellence, puisque c’est la présence d’un gisement houiller de médiocre qualité qui l’a fait naître en pleine forêt pour consommer sur place les produits du sous-sol, d’autre part la centrale d’Olten sur le grand collecteur du plateau suisse : l’Aar qui, lui, bénéficie des conditions physiques de la chaîne alpine si favorable à la production de l’électricité.

Enfin pour se soustraire à cette importation sujette aux droits de douane, on envisage l'utilisation de l’énergie hydraulique du Rhin que doit produire la grande centrale de Kembs.

Quoi qu’il en soit, tributaire du charbon de la Moselle, des eaux glaciaires de Suisse ou de l’énergie rhénane, la production de l’énergie dans le département des Vosges s’est totalement soustraite au milieu local aux trop faibles ressources. Et la généralisation du problème de l’électrification rurale a placé ainsi sur le même pied d'infériorité les deux moitiés du département, la Montagne se trouvant aujourd’hui, en face des nécessités nouvelles de l’industrie (sauf pour quelques exceptions comme l’électrification des fermes isolées), aussi défavorisée que la Plaine.

La conséquence de cet affranchissement géographique a été de permettre d’envisager depuis le début du XXème siècle, le problème de l’électrification rurale sous un aspect plus large, sous l’aspect qui lui est propre : il a consisté à mettre d’office à la disposition de tous les habitants d’une circonscription une forme nouvelle de l’énergie qui leur servît à développer leur bien-être, à augmenter le rendement de leurs terres et à ressusciter ou développer l’industrie à domicile, la grande industrie devant bien entendu profiter elle-même de l’abondante énergie nouvelle qui lui était offerte.

 

L’objet économique de l’électrification rurale peut se résumer ainsi : suppléer à la main-d’œuvre absente et augmenter la production. Le moteur électrique, par sa robustesse, sa souplesse, sa propreté, son prix peu élevé, s’adapte à la presque totalité des appareils de la ferme. Grâce à l’éclairage électrique propre et peu coûteux la durée de la journée de travail peut être augmentée et la main-d’œuvre agricole réduite depuis la guerre, mieux utilisée.

L’objet social apparaît avec des contours plus flottants : la lumière a été la principale préoccupation des populations rurales ; l’emploi de l'électricité comme source de chaleur s’est encore peu généralisé dans la région lorraine.

A cette vue plus large du problème, seule une distribution généralisée de l’électricité pouvait répondre. L’électrification rurale ne pouvait pas être une œuvre laissée à l’initiative privée, et son problème ne pouvait économiquement et juridiquement être réalisé que sous la forme du service public, c’est-à-dire sous la forme d’une entreprise administrative poursuivant un but de police (au sens élevé du mot).

C’est pourquoi, en ce qui concerne le département des Vosges, on peut dire que si les vallées principales et la presque totalité des hautes vallées de la montagne étaient électrifiées avant la guerre (première guerre), ce n’est que depuis l’intervention du Génie rural que l’électrification a pris le caractère général qui la définit véritablement. Grâce à son action qui débute en 1922, la Plaine des Vosges toute entière et les écarts des agglomérations de la montagne ont été électrifiés en moins de 10 ans.

D’une manière absolument générale dans le département des Vosges, la solution du problème de l’électrification a consisté à « accrocher » le réseau rural à la distribution industrielle qui existait déjà et possédait par ailleurs le moyen de subsister grâce à une clientèle urbaine ou industrielle importante. C’est pourquoi lorsque le Génie rural s’est attaché à la question, il s’est adressé aux entreprises de distribution : la Compagnie Lorraine d’Electricité, la Société vosgienne d’Electricité, la Société des Houillères de Ronchamp, qui avaient le mérite principal d’exister et de prospérer par leurs propres moyens.

 

La Commune, ou le Syndicat de communes construit les ouvrages à ses frais et les concède à une entreprise, conformément au cahier des charges-type des concessions de distribution d’énergie électrique. (La durée de la concession a été fixée au maximum autorisé par la loi, c’est-à-dire 40 ans.) Dans ces conditions, le prix de vente de l’énergie a pu être maintenu à des prix abordables qui varient suivant les sociétés et suivant les conditions de l’exploitation, mais qui demeurent aux environs de 2 francs à 2 frs 50 pour le kilowatt-heure éclairage et de 1 fr 60 à 1 fr 80 pour le kilowatt-heure force motrice. De plus, dans certains cas, la société concessionnaire verse à la commune, ou au Syndicat de communes, des redevances qui représentent une participation aux bénéfices dès que ceux-ci atteignent un certain chiffre fixé au cahier des charges.

 

Pour les usagers le mode de groupement généralement adopté fut la commune ou le Syndicat de communes. Dès avant la guerre, les communes situées dans les vallées ou à proximité des artères de transports étaient entrées en pourparlers avec les sociétés régionales et avaient octroyé des concessions communales ou donné des avis favorables à des concessions d’Etat.

Mais le groupement communal était insuffisant et ne pouvait obtenir de résultats qu'en raison de sa situation favorable. Pour les communes de la plaine surtout ; éloignées des sources d’alimentation, les dépenses de premier établissement devenaient très élevées et elles se voyaient contraintes d’employer le territoire des communes voisines. De cette situation est née l’application du Syndicat de communes. La nécessité s’impose d’une étude d’ensemble et d’une réalisation à frais communs.

 

Ainsi donc, le plus souvent, on a prévu pour une région déterminée une solution d’ensemble intéressant un certain nombre de communes offrant entre elles certains liens de ressemblance. Au reste, hors les limites du département, dont ou n’est sorti qu’à titre exceptionnel, il n’a pu être tenu aucun compte des limites administratives d’arrondissement et de canton. Les limites de syndicats sont autant que possible un massif boisé, une rivière importante, une limite de zone géologique, apportant entre les communes une dissemblance qui peut s’opposer à leur réunion en Syndicat. Par ailleurs les communes et Syndicats de communes jouissent directement des pouvoirs d’une autorité concédante pour l’établissement des réseaux.

 

Enfin il y avait aussi une autre sorte de limite que le Génie rural, s’il n’a pu la faire disparaître (et il n’y avait aucun intérêt), a du moins réussi à aménager : ce sont les zones d’influence que les Sociétés régionales s’étaient réservées de façon à éviter toute concurrence, mais les aménagements nécessaires ayant été déterminés et, au besoin, imposés aux Sociétés, aucune difficulté n’a surgi de ce côté.

 

Pour résumer l’œuvre accomplie de 1922 à 1932 : le Génie rural a établi dans le département pour les syndicats des communes, les communes isolées et les écarts :

1328 km 500 de lignes haute tension (5500, 11000 et 22000 volts) ;

1765 kms de lignes basse tension (110 volts);

647 postes de transformation représentant une puissance totale de 8241 kilowats-ampères.

Ces ouvrages desservent une population totale de 138437 habitants représentant 98 % de la population totale.

D'une manière générale, pour l’ensemble du département des Vosges; le montant total des travaux d’électrification exécutés sous le contrôle du Génie rural (communes, syndicats, écarts) représente 60.735.437 francs et les subventions accordées : 23.687.822 francs.

 

Quelles sont les utilisations de l'énergie électrique ? — l’électricité a pour but essentiel d’amener dans les campagnes la lumière et la force motrice. Quelques applications de chauffage par accumulation demeurent encore l'exception. Les fermes appliquent peu l’électricité au chauffage. Les: réchauds électriques consomment trop. Par contre, elles sont presque toutes, dans la montagne, pourvues de fers à repasser électriques.

Dès les débuts du fonctionnement d’un réseau, l’on peut admettre que les cultivateurs utilisent presque tous la lumière électrique. En moyenne générale, le nombre de lampes installées est de 150 pour 100 habitants et ce chiffre n’a guère varié: Presque toutes les communes ont installé des lampes pour l’éclairage des voies publiques et la commande de l’allumage et de l’extinction se fait par une horloge (quelquefois une horloge astronomique).

Par contre, le nombre des moteurs d’abord faible au début, augmente régulièrement. En moyenne, le nombre des moteurs qui est au début de 2 à 3 pour 100 habitants, croît sans cesse. Dans les réseaux les plus anciens de Meurthe-et-Moselle — les premiers mis en service — on atteint déjà 10 moteurs par 100 habitants en moyenne.

Les trois quarts de ces moteurs ont une puissance de 3 à 4 chevaux. L’utilisation des lampes correspond à 370 heures par an en moyenne ; celle des moteurs à 70 heures seulement. C’est là le point faible des réseaux ruraux et les moyens envisagés pour remédier ne sont guère efficaces. Celui auquel on a songé consiste à développer l’emploi du moteur à usage collectif dont l’utilisation serait meilleure. Mais on se heurte à l’individualisme paysan — chacun veut son moteur à soi — et tous les efforts tentés dans ce sens (tarifs de faveur) sont demeurés inefficaces. Cependant la généralisation des moteurs a déjà transformé la vie agricole et même l’habitat rural, surtout dans la plaine. Dans les villages des environs de Mirecourt, 75 % des fermiers ont depuis 4 ou 5 ans leurs batteuses électriques. Quoique plus lentement, l’emploi du moteur agricole pénètre aussi dans les montagnes. Il s’est notamment généralisé autour de Gérardmer, de Corcieux, de Bruyères.

 

Toutefois, certains réseaux ruraux ont permis de desservir des industries locales et des résultats intéressants ont été enregistrés. C’est ainsi que pour le Syndicat du Durbion, la consommation pour usages agricoles a été de 133.880 kilowatts-heures en 1930 et les industries desservies (Tuilerie de Deyvilliers) par ce réseau en ont consommé 254.947, presque le double. Pour le Syndicat de la Plaine des Vosges, on enregistre en 1931 : 960.000 kilowatts-heures pour usage agricole et 1.931.810 pour usage industriel (Fabriques de couverts de Darney, Tissages de Thunimont). Il est vrai que d’autres syndicats : Charmes, la Saône au Coney, Rambervillers, ne desservent aucune industrie.

 

Mais d’une façon générale, on constate la tendance des petites industries locales, fabricant autrefois leur énergie elles-mêmes, à se rattacher aux lignes desservant l’agglomération ou l’écart dont elles dépendent. Certaines usines (tissages de coton) de la vallée de la Haute-Moselle, sans cesser de fournir elles-mêmes leur énergie, se sont reliées au réseau de la Vosgienne et lui empruntent de plus en plus son courant pour l’électrification de leurs cités. Mais ceci est beaucoup plus caractéristique pour les usines du bois : scieries, tourneries.

Aujourd’hui, le problème de l’électrification rurale est pratiquement résolu. Quelles seront les répercussions de la distribution de l’électricité à la campagne ? Les réalisations sont trop récentes pour qu’on puisse formuler un jugement autorisé.

Mais l’on constate déjà que, dès qu’un paysan s’est abonné à l’électricité, il n’y renonce plus. Les résiliations d’abonnement sont pratiquement inexistantes. Bien plus, il faut procéder tous les jours à des renforcements de réseau ou à des extensions par suite de l’accroissement des demandes. Il est incontestable que le travail à la ferme a été facilité. Il a été constaté dans la plaine des Vosges comme en Meurthe-et-Moselle que dans les communes en retard pour s’électrifier, on ne recrutait plus que difficilement des ouvriers agricoles. L’électricité a pénétré non seulement dans de nombreuses églises, de campagne, dans les maisons d’habitation, mais aussi à l’écurie, à l’étable, dans la grange.

 

Enfin, au moment où se développe un nouveau problème, celui de la distribution de l’eau potable, l’électricité est appelée à jouer un rôle de premier ordre chaque fois qu’il faudra refouler l’eau dans un réservoir surélevé avant de la distribuer.

Signalons encore que la distribution de l’électricité favorise le développement des postes radiophoniques à la campagne, surtout depuis que le commerce fournit des « postes sur secteur » où il n’est plus besoin de piles ou d’accumulateurs.

 

Verra-t-on le jour où l’électro-culture, où l’énergie électrique jouera un rôle dans le développement des plantes? Ce n’est encore que du domaine du laboratoire. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’électricité a été peu employée pour la traction dans la montagne vosgienne : citons cependant la ligne Gérardmer-Retourmener, qui fonctionnait autrefois au charbon, est électrifiée depuis l’automne 1931. Cette ligne a été rachetée par le département qui apporte ainsi une contribution indirecte à la distribution de l’énergie électrique. En revanche, notons qu’il n’existe dans les Vosges aucune ville à tramways électriques. Ceux d’Epinal ont été depuis la guerre remplacés par des autobus.

Il est encore trop tôt pour pouvoir rechercher si l’électrification rurale a apporté un frein à la dépopulation des campagnes, sensible surtout dans les arrondissements de Neufchâteau et de Mirecourt.

 

Nous sommes en présence d’un fait encore trop récent pour qu’on puisse en affirmer les résultats. Seule, l'amélioration du bien-être à la campagne est indéniable.

Mais ce qu’il faut retenir, c’est la rapidité avec laquelle, depuis 15 ans, grâce à 1 organisation des Syndicats communaux, grâce à l’appui du Génie rural, et à la bonne volonté des Sociétés locales, le travail d’électrification a été accompli dans le département des Vosges — travail qui a réussi à rétablir l'équilibre entre les deux parties du département, la moitié industrielle de l’est de la Moselle, et la moitié agricole de 1’ouest si longtemps désavantagée.

 

 

Annette WAPLER – Le Pays lorrain – 1935.

 



09/01/2018
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