La Lorraine dans le temps

La Lorraine dans le temps

la bataille de Bulgnéville

La bataille de Bulgnéville

 

 

Extrait de : Le roi René en Lorraine  par M. le chanoine Cherrier – édition de 1895. Bibliothèque médiathèque de Nancy.

 

« Par mon âme, dit le comte de Vaudémont, devant « l'attitude des seigneurs dévoués à René, je déclare que « je serai duc de Lorraine ».

Celui qui parle ainsi est un prince ambitieux, plein de courage, passionné pour la gloire, très habile capitaine. Il est grand, bien fait de corps et infatigable dans les expéditions militaires. Jamais il n'a subi un échec sur les champs de bataille. Il vient de changer son écusson en remplaçant les armes de Vaudémont par les armes de Lorraine. Le duc de Bourgogne lui a donné tout ce qu'il a pu de soldats, le recommandant au comte de St-Pol qui envoie une compagnie commandée par un capitaine intrépide nommé, « le grand Martin».

« Je vois bien, dit René, que le comte veut guerre mener. Mais, je serai secouru par le roi de France, mon beau-frère, je veux donc m'apprêter». Charles VII, en effet, envoie des renforts considérables commandés par le preux Barbezan.

Nous allons entendre la dernière raison des princes en dispute : l'artillerie.

Avant de commencer les hostilités, René fait sommer Antoine de Vaudémont de venir à Nancy lut faire hommage, pour son Comté, sous peine de confiscation, (avril 1431). Antoine refuse.

René fait le siège de Vaudémont, et, pendant quinze jours, ses soldats ravagent la campagne. Antoine arrive avec les troupes que lui fournissent le comte de St-Pol, frère de Pierre de Luxembourg, le duc de Savoie, le prince d'Orange, le duc de Bourgogne et plusieurs capitaines aventuriers. Cette armée, composée de 4000 cavaliers et de 7000 fantassins, ravage le Barrois, puis vient placer son camp à cheval sur le ruisseau dit Pertesang, qui sépare Vaudoncourt de Bulgnéville.

René a autour de lui ses alliés des Trois Evêchés et tous ses amis de Lorraine. L'Evêque de Metz, Conrad B. de Boppard, a amené deux cents chevaux. Barbezan commande 2000 lances. L'armée de René compte plus de dix mille hommes.

Le samedi soir, 1er juillet, Antoine range ses troupes et attend que René lui offre la bataille. Le lendemain, ne voyant aucun mouvement, les officiers de Vaudémont tiennent conseil. Les plus expérimentés, vu le manque de provisions, l'infériorité numérique de l'armée, la difficulté d'attaquer René dans des chemins étroits, bordés de haies, pensent qu'il faut se retirer en Bourgogne, augmenter les troupes et attendre une nouvelle occasion. Au lever du jour, malgré le dépit d'Antoine, l'armée lève le camp et se dirige en Bourgogne.

René, à la tête des siens, s'avance vers Vaudoncourt. Antoine informé, fait faire volte face à son armée et la range en bataille. Les archers sont aux ailes et à droite. Les cavaliers mettent pied à terre pour se battre. Les chevaux et les chariots sont en arrière. René continue de s'avancer jusqu'au ruisseau de Vaudoncourt et de Bulgnéville. Il n'y a pas mille mètres entre les deux armées.

Antoine demande une entrevue à son neveu. Antoine et René parlementent entre les deux armées. Mais chacun garde ses prétentions. On se sépare plus brouillés que jamais.

Le comte de Vaudémont complète la position de son camp qu'il entoure de charrues, de tonneaux et de palissades, de manière à n'y laisser qu'une entrée.

Le duc René tient un conseil où se dessinent le parti de l'attaque immédiate et le parti qui propose de tourner le camp de Vaudémont et de lui couper les vivres. «Allons donc! » dit le comte de Sarrebruck, il n'y en a pas assez pour nos pages. Nous les enfonçons du premier coup. Conrad B. de Boppard. évêque de Metz, Barbezan, tous les seigneurs avisés conseillent la prudence et demandent de bien établir le plan de la bataille.

«Vous avez peur, dit Jean d'Haussonville au vieux Barbezan. »

«Nous verrons, dit le fier capitaine, ceux qui ont du cœur et ceux qui n'ont que du babil...» Cédant à leur impétuosité naturelle, sans étudier le terrain, sans fouiller les bois et les ravins, les Lorrains d'humeur altière et toujours friands de grands coups, décident la bataille immédiate.

Au sortir du Conseil, René, selon la coutume, fait plusieurs Chevaliers, en les frappant de l'épée nue et en leur donnant l'accolade. Antoine fit de même de son côté. Il parcourt les rangs, au galop de son petit cheval. « Amis, s'écrie-t-il, sur mon âme, ma cause est juste. J'ai toujours été le fidèle allié des ducs Jean et Philippe de Bourgogne».

C'est le 2 juillet, à 8 heures du matin. Au premier moment de l'action, un cerf éperdu, raconte Monselet vient se placer entre tes deux armées, frappe trois fois du pied, et va se jeter dans l'armée de René où il est accueilli par de grands cris. Oubliant la discipline et le danger, beaucoup de soldats se mettent à la poursuite de ce gibier inattendu. René fait entendre le cri de commandement et donne le signal de l'attaque.

Les troupes de Vaudémont profitent de ce désordre et se précipitent avec furie. Le comte démasque son artillerie et fait exécuter une charge générale. Les premiers rangs de l'armée ducale sont décimés. Les archers et la cavalerie se précipitent sur les troupes déjà débandées et les mettent en désordre.

On accuse le comte de Sarrebruck, damoiseau de Commercy, et plusieurs seigneurs qui avaient parlé si haut dans le Conseil, d'avoir manqué de courage au point de fuir au galop.

Ce jour-là, dit la Chronique de Lorraine, plusieurs furent gardés d'être pris, à cause de leurs beaux chevaux et de leurs éperons qui les ont sauvés.» Barbezan, blessé, mourut l'année suivante. René atteint à la lèvre, au nez et au bras n'eut pas le temps de se reconnaître. Il fut fait prisonnier par le grand Martin. La bataille avait duré un quart d'heure.

Martin demande à Antoine qui poursuit les fuyards, ce qu'il faut faire du prisonnier. « Tiens-le, dit le comte, prés de cette haie voisine. Garde-le soigneusement, tu seras récompensé. » Mais, les Bourguignons enlèvent René, le livrent à Philippe leur maître qui le fait enfermer au château de Bracon-sur-Salins (Franche-Comté), puis au château de Dijon. Avec René, Conrad B. de Boppard est prisonnier ainsi que 80 gentilshommes, parmi lesquels les comtes de Boulay et Philippe de Norroy.

Voilà donc René vaincu, après avoir fait tout ce que l’on pouvait attendre, politiquement, d'un homme de bien, militairement, d'un prince audacieux et patient. Il ne fut pas heureux. Ce n'est pas sa faute.

Quiconque réfléchit découvre bientôt que la «Fortune» qui est, pour tous, l'agent de l'épreuve, se montre peu délicate dans ses amitiés, et qu'elle a souvent d'indignes complaisances. Au dessus des passions basses et des petits moyens qui trouvent, devant elle, si parfaitement grâce, il faut en appeler au juge supérieur et définitif qui doit corriger ses injustices.

Cependant, malgré les cruelles épreuves de son armée, René ne perd rien des sympathies populaires. Ses sujets savent qu'il n'y a ni mésaventure, ni catastrophe que leur duc ne soit capable de dominer par le courage et la conscience. Le peuple de ce temps a, comme le nôtre, ses légèretés, son orgueil et sa jactance. Mais, à ces torts, il ne joint pas la faute de les méconnaître et de n'imputer ses désastres qu'à ses princes. Il permet que ses chefs soient malheureux, sans penser à les injurier et à les casser.

Les duchesses Marguerite et Isabelle, surprises d'une pareille déroute, envoient, dans toutes les villes de Lorraine, l'ordre de ne recevoir aucun commandement du comte de Vaudémont et promettent, avec l'aide de Dieu, de remettre tout en ordre. Elles font à Antoine des remontrances sévères dont il est touché, parce qu'il ne peut plus agir.

Les Bourguignons lui ont enlevé le meilleur fruit de sa victoire. Privé de ces alliés perfides, comment pourrait-il continuer la lutte et faire valoir ses titres ? Une trêve est conclue, du 1er août 1431, au 1er janvier 1432. Six chevaliers, parmi lesquels Conrad Bayer de Boppard, sont chargés du gouvernement de la Lorraine et du Barrois.

L'Évêque de Metz avait quitté la prison de Dijon, après avoir payé dix mille salus d'or.

C'est Henri de Ville, évêque de Toul, qui dirige la duchesse Isabelle, pendant la captivité de René. Il se charge de l'éducation de ses deux fils Jean et Louis, jusqu'à ce qu'ils soient envoyés en otage au duc de Bourgogne, pour permettre à René d'aller défendre ses droits à Bâle.

 

 

 

 



02/12/2017
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