La Lorraine dans le temps

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Le règlement des pauvres de la maison-Dieu de Bar-le-Duc (1729)

 

Presque toutes les villes possédaient des hôpitaux ou maisons-Dieu. Ces établissements étaient administrés, soit par les communautés, soit par des ordres religieux. La maison-Dieu de Bar-le-Duc avait été fondée au moyen âge, dès le XIIème siècle au moins. L’hôpital était dirigé par un administrateur et un gouverneur, désignés par l’assemblée générale des habitants. Il subit les malheurs des guerres du xvII" siècle, il fut restauré en 1701 par Charles d’Alençon, président de la Chambre des comptes de Bar. En 1716, les sœurs de la Congrégation de St-Charles furent chargées du service de l’hospice. Les établissements charitables secouraient, comme de nos jours, les malades, les infirmes et les pauvres. Voici un extrait du règlement des pauvres de l’hôpital de Bar-le-Duc du 1er septembre 1729. C’est un document précieux pour l’histoire de la vie privée du XVIIIème siècle.

 

Art. 1. — Quand un pauvre voudra entrer dans l’hôpital de cette ville, il lui sera fait lecture du présent règlement auquel il sera tenu de se conformer, et de se soumettre aux règles qui lui seront prescrites.

Art. 2. — Lorsqu’il sera admis audit hôpital, il sera tenu de vivre en paix et union avec ses ressources, et pour se disposer de bien vivre il sera tenu d’une confession générale et de s’approcher des sacrements en entrant, de se confesser et approcher des mêmes sacrements tous les mois, de même que tous les autres associés, afin d’obtenir du Seigneur les secours dont ils ont besoin, que si quelqu'un manquait d’y satisfaire, la sieur pourra avertir, pour une première fois, le receveur ou directeur pour faire rentrer le défaillant dans son service, pour en cas de récidive être mis en prison, au pain et à l’eau, et pour une troisième fois chassé dudit hôpital.

Art. 3. — Tous les pauvres seront soumis aux ordres qui leur seront donnés par les sœurs dudit hôpital et leur obéiront en tout ce qu’elles leur commanderont sans aucune réplique ni répartie de leur part, à peine de pénitence qui leur sera imputée par une desdites sœurs lors de leur repas et en public.

Art. 4. — Aucun des pauvres ne pourra sortir en aucun temps dudit hôpital sans la permission expresse d’une des sœurs à peine de privation de leur portion, et d’une pénitence publique, pour la première fois, de plus grandes peines, pour la seconde, et pour la troisième, d’être expulsé dudit hôpital. A l’effet de quoi les directeurs seront avertis de leurs désobéissances.

Art. 5. — Quand un pauvre entrera dans ledit hôpital, il mettra entre les mains des sœurs tous les effets et meubles qu’il pourra avoir, desquels il sera dressé un mémoire, ne lui sera loisible ni permis de transporter ni donner aucune chose de ladite maison sans permission desdites sœurs à peine d’être expulsé.

Art. 6. — Il ne sera permis à aucuns pauvres de retenir auprès d’eux en leur propre, aucuns meubles ni effets que quelques menus linges, dont ils pourraient user, et changer deux fois la semaine ; leurs chemises seront mises entre les mains des sœurs pour en avoir soin, les faire lessiver, et toutes les semaines, l’une des sœurs mettra sur le lit de chaque personne une chemise blanche ; pourront néanmoins les pauvres qui seront mieux fournis que d’autres en mettre deux par semaine, et seront tenus de rendre leurs sales auxdites sœurs incontinent, à peine de privation de leur portion au dîner et d’une pénitence publique.

Art. 7. — Les lits des pauvres seront composés d’un bois de lit avec son équipage vert, une paillasse, un matelas, un traversin, un oreiller, une couverture et une paire de draps, auprès duquel il y aura un crucifix, un petit coffre pour enfermer leur linge et habillements, une chaise de bois, une écuelle d’étain, un gobelet et une cuillère, et pour cet effet, il ne sera reçu, autant que faire se pourra, point de pauvres audit hôpital qu’ils n’aient les effets ci-dessus.

Art. 8. — Il ne sera permis à certains pauvres de disposer d’aucuns de ses effets, pas même de la moindre chose, sous quel prétexte ce puisse être, qui seront réunis de plein droit audit hôpital aussitôt leur décès.

Art. 9. — Il ne sera reçu dans ledit hôpital aucun pauvre atteint d'épilepsie, d’écrouelles, ou autres maladies contagieuses, non plus que des pauvres qui auront leurs demeures ou des femmes leurs maris, n’étant pas de la décence dudit hôpital.

Art 10. — Depuis Pâques jusqu’à la Saint-Henri (1), tous les pauvres seront tenus de se lever à cinq heures et demie et depuis la Saint-Henri jusqu’à Pâques, à six heures et demie, incontinent leur lever, ils s’habilleront sans faire aucun bruit, au contraire garderont le silence, feront leur lit proprement, et offriront pendant ce temps leurs pensées à Dieu...

Art. 11. — A six heures du matin en été, et à sept heures en hiver, l'on sonnera la prière, sitôt que les pauvres entendront sonner ils quitteront leurs occupations, se trouveront dans la chapelle, chacun dans leurs rangs, les hommes d'un côté et les femmes de l’autre, les garçons ensuite, et les filles après la sœur ou autre personne préposée de sa part, avec soin qu’il n’y ait point de confusion. Il y aura deux enfants qui commenceront la prière par le signe de la croix qu’ils diront à haute voix, le plus dévotement que faire se pourra, et les autres répondront.

Art. 12. — Après la prière, tous les pauvres retourneront dans leurs chambres ou à tel autre lieu (qui sera destiné pour le travail et seront tenus de travailler aux ouvrages qui leur seront donnés par les sœurs jusqu’à la messe. Et, en cas de désobéissance, être privés de leurs portions, pour la première fois; de privation plus grande pour la seconde, et, pour la troisième, d’être chasses. L’oisiveté et le défaut de travail n’engendre rien que de pernicieux.

Art. 13. — A onze heures, en tous temps, on sonnera une cloche pour le dîner, tous les pauvres se rendront au réfectoire où, en arrivant, ils feront une inclination devant le crucifix qui sera mis à cet effet, un d’entre eux se mettra au milieu, fera le signe de la croix, récitera les dix commandements de Dieu et ceux de l’Eglise, le Pater noster, ensuite le Bcnedicite; il y aura pendant le repas un des pauvres qui fera la lecture à laquelle tous les autres seront attentifs pour l’aliment spirituel de leurs âmes, les sœurs auront le soin de faire observer un grand silence pendant la lecture, qu’il ne s’y passe rien que de décent, et après le repas elles ramasseront dans des paniers le reste des pauvres.

 

 

Art. 14. — Après le repas tous les pauvres se lèveront de table, se mettront sur deux lignes au milieu du réfectoire, deux commenceront les grâces, tous les autres répondront, diront le Pater noster, Ave et le Subtuum præsidium, prieront pour les bienfaiteurs fondateurs et le De profundis pour les trépassés, après quoi ils s’en retourneront, deux à deux, .au laboratoire, et recommenceront chacun leur travail, et prendront garde les sœurs que chaque pauvre ait de l’ouvrage en suffisance. Et au souper seront les mêmes prières réitérées qu’au dîner.

Art. 15. — Tous les jours, à une heure, excepté le samedi, une des sœurs tiendra l’école des enfants dans une chambre particulière, lorsqu'elle entrera les enfants se mettront à genoux, réciteront l’Ave Maria avant que de commencer ; que s’il y avait un grand nombre d’enfants une soeur choisira un des plus grands pour les attendre.

Art. 16. — Après le souper, on sonnera les prières, tous les pauvres seront tenus de se rendre, deux à deux, à l’église.

 

1 15 juillet.

 

Docteur Bailiot, Notice historique sur l'hospice de Bar-le-Duc, dans Mémoires de la Société des Lettres, Sciences Bar-le- Duc, 1875.

 

 



06/02/2022
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