La Lorraine dans le temps

La Lorraine dans le temps

Bruyères (Vosges)

 

BRUYÈRES, chef-lieu de canton de l'arrondissement d'Epinal, à 27 kms d'Epinal ; situé sur une colline, à 479 m d'altitude au seuil des halles ; terrain : grès vosgien, grès rouge et argiles ; sur le passage des chemins de grande communication n 10 et 51 de Châtel au Bonhomme et de Bruyères à Docelles, des chemins d'intérêt communal n° 50 et 77 de Rambervillers à Bruyères et de Gérardmer à Laveline-devant-Bruyères et embranchement ; sillonné par 10145 mètres de chemins vicinaux ordinaires et par 14025 mètres de chemins ruraux reconnus. Station du chemin de fer d'Arches à St-Dié. Poste et télégraphes. Population : 2825 hab., 875 maisons, 599 électeurs, 16 conseillers municipaux. Perception et recette municipale à Bruyères, 1 recette de l'enregistrement, 1 recette des contributions indirectes, 1 inspection forestière et 1 chef de canton, 1 inspection des écoles primaires, 1 agent-voyer, 1 justice de paix, 2 notaires, 8 huissiers. 8 médecins, 2 pharmaciens, 2 sages-femmes. Cure cantonale ; Fête patronale le 1er dimanche après l'Assomption, patronne la Ste-Vierge ; pop. israélite 88 hab., rabbin à Epinal. Association religieuse des sœurs de St-Charles. Collège de garçons, 40 élèves, dont 21 pensionnaires ; écoles primaires de garçons, 154 élèves ; de filles, 68 élèves ; écoles maternelles, 167 élèves ; écoles pensionnats et externats libres : pensionnat congréganiste de jeunes filles, 60 élèves ; externat congréganiste de jeunes filles, 90 élèves ; école enfantine congréganiste, 106 élèves. Bureau de bienfaisance, 2939 frs de revenus annuels ; hôpital, 22486 frs de revenus annuels ; hospice, 60 lits. Ouvroir des dames de charité. — Société de secours mutuel ; succursale de la Caisse d'épargne d'Epinal. 1 fanfare. Brigade de gendarmerie à cheval. Caserne d'artillerie, deux batteries. 19 conscrits en 1885. 1 compagnie de sapeurs-pompiers, 56 hommes.

Revenus annuels de la commune, 44502 frs ; valeur du centime 142 frs 87. Octroi. Produit des 4 contributions 26844 frs 90, dont 9163 frs 12 sur les patentes. Surface territoriale, 1613 hectares, dont 428 en terres labourables, 214 en prés, 708 en bois, 20 en jardins, vergers, chènevières, 18 en friches. Cultures principales : blé et seigle, 492 hectolitres ; avoine, 1482 hectolitres, pommes de terre, 82,800 hectolitres. Valeur de la forêt communale 988000 frs. 2 carrières de grès rouge.

Industrie : atelier de sciage et de menuiserie construit en 1883 et occupant de 12 à 15 ouvriers. 24 foires annuelles les 2ème et 4ème mercredis de chaque mois. Marché le mercredi de chaque semaine.

 

Ecarts : Aux Roches, 25 h.,3 maisons ; Bulmont, 24 h., 4 maisons ; Eaux (les), 17 h., 2 maisons ; Grandes-Boulayes, 8 h., 2 maisons ; Rupt-du-Prêtre, 14 h., 2 m. Fermes : Bas-des-Fourches, 4 h.; Basse-de-l'Ane (la), 8 h.; Basse-des-Sauta (la), 7 h.; Bellefontaine (la), 8 h.; Bergerie (la), 8 h.; Bouillante (la), 9 h.; Caserne (la), 3 h.; Coxé (le) 2 h.; Grand-Faite, 4 h.; Grandrupt, 12 h.; Grange-des-Lièvres (la), 9 h.; Grébier, 15 h.; Haut-des-Fourches, 8 h.; Haut-du-Rupt (le), 4 h.; Landrebreck, 4 h ; Monplaisir, 5 h.; Spreck (le), 9 h.

 

Curiosité naturellesRoche et chapelle de la Vierge à l'Avison, but de pèlerinage, source dite miraculeuse. Roches de Pointhaie, de Jouchon, dite Roche-Taillée en grès rouge; roches de Borémont.

Il existe à Bruyères une source minérale d'eau froide, dite la Madeleine. On remarque dans la ville une promenade plantée de tilleuls en 1779.

 

Ancienne polutation : 1698, 68 chefs de famille ; 1710, 177 h., 33 garçons ; 1779, 170 maisons et 300 feux ; an XII, 2089 h.; 1830, 2195 h.; 1845, 2243 h.; 1867, 2410 h. — Anciennes divisions : 1594, chef-lieu d'une prévôté, baillage des Vosges ; 1710 et 1751, chef-lieu d'un baillage, maîtrise de St-Dié, coutume de Lorraine ; 1790, chef-lieu de district et de canton.

Spirituel : Annexe de Champ avant 1612 ; érigée en cure le 15 juillet 1612, doyenné d'Epinal, évêché de Toul, puis de St-Dié.

 

HistoireOn ne sait pas plus l'époque de l'origine de Bruyères que celle d'une foule d'autres localités, et il faut se borner à constater son existence depuis le moment où on le trouve mentionné dans des titres. Le plus ancien est une charte de Pierre de Brixey, évêque de Toul, de 1189, rappelant diverses donations faites à l'abbaye de Beaupré par Charles, chevalier de Velacourt (Karolus miles de Velacourt), lequel confirmait celles qui provenaient de son aïeul Gérard de Bruyères (de Brueriis). En 1219, le duc Thiébaut s'engage à maintenir les usages, privilèges et chartes de Bruyères. En 1232, le duc Mathieu II rétablit le chapitre de Remiremont dans la perception de la moitié des revenus de Bruyères, sans préjudice des droits qu'il y perçoit seul. Un titre de 1255 parle du tonneux (tonlieu, péage) que la duchesse régente, Catherine de Limbourg, avait établi à Bruyères. En 1263, le duc Ferry met à la loi de Beaumont le château et les bourgeois de Bruyères. En 1295, le duc de Lorraine reconnaît que le tonlieu de Bruyères appartient au chapitre de Remiremont, mais ce droit fit retour au duc. En 1345, le maire de Bruyères et un grand nombre des habitants de la paroisse de Champs déclarent que leurs ancêtres et eux ont toujours été, tant pour leurs personnes que pour leurs héritages, sujets taillables, justiciables et explectables du chapitre de Remiremont, et qu'ils ne sont sujets du duc de Lorraine que parce qu'il est le gardien de l'église dudit Remiremont. D'après un titre de 1370, les habitants du val de Bruyères devaient venir à Remiremont avec leur bannière déployée sur le mandement du chapitre pour aider à garder la ville et apporter des vivres pour trois jours.

En 1475, les Bourguignons s'emparèrent de Bruyères qu'ils détruisirent en partie. L'année suivante, la ville et le château furent repris sur les Bourguignons grâce à un laboureur, Varin Doron. Doron, ayant été à Strasbourg trouver le duc René, obtint de lui une bande de gens d'armes, à l'aide desquels il se faisait fort de reprendre le château. Ceux-ci arrivèrent au milieu do la nuit; Doron les cacha dans sa maison située en face de l'église, où le capitaine bourguignon et une partie de ses gens allaient tous les jours entendre la messe. Les Bourguignons étant venus comme d'habitude, Varin Doron et ses hommes sortirent subitement de leur cachette, pénétrèrent dans l'église dont ils fermèrent les portes, firent prisonnier le capitaine et ses soldats qui rendirent la ville et le château. Doron demanda et obtint pour récompense du duc de Lorraine la charge de sergent héréditaire dans les prévôtés de Bruyères et d'Arches. Quant aux habitants de Laveline, qui avaient pris part à l'expédition, ils obtinrent tous le titre et la qualité de gentilhomme avec le privilège pour leurs filles d'anoblir leurs maris. (V. Mém. Soc. Arch. lorr., 1877: Varin Doron et les gentils hommes de Laveline.)

 

En 1503, Bruyères avait environ 800 habitants ; en 1618, environ 700. Cette population diminua notablement par suite des calamités de tout genre qui désolèrent la Lorraine au XVIIème siècle : la peste d'abord, en 1620 et 1630, puis les Suédois en 1635 mirent le comble à la misère des habitants ; la ville fut saccagée, le couvent des Annonciades et l'église furent incendiés. En 1658 et 1659, on ne trouve plus à Bruyères qu'une quarantaine d'habitants. La ville se releva de ses ruines dans la seconde partie du XVIIème siècle. En 1710, elle renferme environ 200 habitants ; en 1779, 170 maisons et 300 feux, soit de 1200 à 1500 habitants.

Mairie : Bruyères était le chef-lieu d'une mairie comprenant les villages, hameaux el censes de : Aumontzey, Beauménil, Champ-le-Duc en partie, la Chapelle, Fay, Frambeménil, la Goutte, Herpelmont, Jussarupt, Laval, Laveline-devant-Bruyères, la Rosière, Yvoux. Le duc de Lorraine était haut justicier en ces lieux ; en dehors des cas de haute justice, il y avait une juridiction commune entre le duc et le chapitre de Remiremont. Le duc avait toutes les épaves et partageait avec le chapitre de Remiremont les confiscations et mortemains. Le grand prévôt du chapitre de Remiremont mandait les plaids deux fois l'an, et, conjointement avec le prévôt du duc, il créait les maires, doyens et échevins dont il recevait le serment. Les habitants de la mairie de Bruyères étaient taillables deux fois l'année, à Pâques et à la St-Remy.

Prévôté : Bruyères était en même temps le chef-lieu d'une prévôté et avait, à ce titre, des armoiries ainsi blasonnées d'après le Livre de Hérauderie du Trésor des Chartes : d'azur, à la tour d'argent crénelée, accompagnée à dextre d'une maison avec deux panonceaux de même, et à senestre d'une église avec son clocher, aussi d'argent ; en chef trois étoiles d'argent. Bruyères était le siège d'une prévôté dès le commencement du XVème siècle. D'après le Dénombrement du duché de Lorraine de 1594, cette prévôté comprenait, sans compter les censes et hameaux, 52 de nos communes actuelles. L'officier placé à la tête de cette circonscription avait des fonctions civiles, militaires et judiciaires, et jouissait d'un grand nombre de droits et émoluments.

Bailliage : Léopold, par son édit du 81 août 1698, portant suppression des offices des bailliages et prévôtés, établit à Bruyères, dépendant ci-devant du bailliage de Mirecourt, un siège bailliager qui d'ailleurs existait en fait à Bruyères avant cette date. Ce siège bailliager fut créé bailliage royal en 1751. Les baillis furent, en 1762, le comte de Croix, de 1766 à 1789, le comte de Girecourt.

Château : Le château servait de résidence à un officier, qualifié d'abord châtelain, puis capitaine, et qui joignit à ces titres celui de fauconnier, ensuite de grand fauconnier de Vosge. Il fut détruit, comme toutes les autres forteresses de la Lorraine, au cours du XVIIème siècle. Il est difficile de déterminer à quelle époque il remontait ; il est probable qu'il avait précédé la ville bâtie à ses pieds ; il n'en reste aujourd'hui que des débris. Les ruines du château, dont les prévôts avaient joui jusqu'à leur suppression, furent réunies au domaine du roi vers 1760; elles furent acensées en 1763 moyennant 20 livres, à Joseph-Nicolas Guyot, conseiller au bailliage et chef de police à Bruyères, puis ensuite en 1776 à Jean-François Georgel, prêtre, prieur et seigneur de Ségur en Auvergne, descendant des gentilshommes de Laveline. Ensuite, le château et les constructions qu'y avait fait faire l'abbé Georgel devinrent la propriété de la famille de Merlin de Thionville.

Cure : Aux XVème et XVème siècles, il n'y avait à Bruyères qu'une chapelle dépendant de la cure de Champs. Dès 1609, l'évêque de Toul invita le chapitre de Remiremont à consentir à l'érection d'une paroisse à Bruyères, et en 1812, cette chapelle fut érigée en église paroissiale sons les conditions suivantes : les habitants étaient chargés de la dotation et de l'entretien; les droits provenant de l'autel appartenaient au curé ; le patronage était réservé aux habitants de Bruyères comme fondateurs et dotateurs de leur église, pendant huit mois, le chapitre de Remiremont ayant le droit de présentation en mars, juin, septembre et décembre ; les habitants étaient tenus d'aller en procession chaque année entendre le service à Champ le mercredi des Rogations, et d'y assister à la messe paroissiale le lundi de la Pentecôte. La création de la paroisse de Bruyères donna lieu à un procès terminé par un acte de 1629, par lequel le chapitre et le curé de Champ consentaient à l'érection, sous certaines conditions, entre autres que le patronage de la nouvelle cure en tous mois appartiendrait au chapitre. D'après un titre de 1309, l'abbesse de Remiremont percevait à Bruyères la moitié des grosses et menues dîmes ; dans la suite, le curé de Champ eut le tiers et le chapitre de Remiremont les deux tiers des dîmes, la portion congrue du curé étant fournie par la communauté.

En 1630, les Annonciades sollicitèrent de Charles IV la permission de créer à Bruyères un monastère de leur ordre ; l'autorisation fut accordée en 1631 ; les religieuses étaient à peine installées quand, en 1685, les Suédois saccagèrent la ville; le monastère se trouva incendié et ne fut jamais rebâti. En 1664, les Capucins vinrent s'établir à Bruyères ; leur couvent subsista jusqu'à la Révolution et les bâtiments furent vendus en 1792 comme biens nationaux.

Hôpital. — L'hôpital de Bruyères a été fondé en 1727 par Jean-François Humbert, baron de Girecourt, secrétaire d'Etat commandements et finances du duc Léopold. Il avait d'abord été établi au pied du château dans un bâtiment, qu'on appelle encore hôpital et qui est occupé par l'école des filles et un pensionnat ; en 1772, on le reconstruisit à neuf sur l'emplacement qu'il occupe aujourd'hui.

Il existait dès la plus haute antiquité une maladrerie de Bruyères ; c'était une de ces maisons dans lesquelles on enfermait les lépreux. Cette maladrerie de Bruyères, dont on trouve trace dès 1317, était appelée également la Magdelaine de Laval-devant-Bruyères, et se trouve sur le territoire actuel de la commune de Laval.

L'ancienne chapelle de Bruyères, érigée en paroisse en 1612; incendiée par les Suédois en 1635, fut remplacée par une nouvelle église qui elle-même a fait place à l'église actuelle, achevée en 1846.

La mairie a été construite en 1704, l'école des garçons en 1836; l'école des filles a été établie en 1828 dans l'ancien hôpital.

Les archives anciennes de Bruyères, assez importantes, renferment des pièces des XVIème, XVIIème et XVIIIème siècles ; le plus ancien titre porte la date de 1558 ; les délibérations du conseil de la ville commencent en 1681, les registres des recettes et dépenses en 1627, les actes de baptême, mariage et sépulture. en 1640 ; l'inventaire des archives anciennes de Bruyères est publié dans le supplément à la Série E des Archives communales des Vosges.

 

Jean-François HUMBERT, chevalier, baron de GIRECOURT, fondateur en 1727 de l'hôpital de Bruyères ; mort à Nancy en 1754, âgé de 91 ans.

Dieudonné-Gabriel, comte de GIRECOURT, fils du précédent, né à Bruyères et mort à Nancy en 1795, a publié (1778-1781) un Essai sur l'histoire de la maison d'Autriche.

L'abbé Jean-François GEORGEL, jésuite, descendant des gentilshommes de Laveline, qui naquit à Bruyères en 1731 et y mourut en 1813 ; il fut successivement grand vicaire de l'évêché de Strasbourg, prieur de Ségur en Auvergne, secrétaire d'ambassade à Vienne sous le cardinal de Rohan, puis pro-vicaire général du département des Vosges ; il joua un grand rôle dans l'affaire du collier, et a laissé des mémoires sur les causes de la Révolution. Nicolas-Joseph GUYOT, auteur de plusieurs ouvrages de jurisprudence, et notamment du Dictionnaire raisonné des lois de la République française, né à Bruyères, attaché au bureau de consultation établi près du ministère de la justice.

Paul-Christophe-Elisabeth MERLIN, né à Thionville en 1788, fils du conventionnel Merlin de Thionville et officier d'artillerie, se retira à Bruyères vers 1813, devint acquéreur du château et fut pendant assez longtemps maire de la ville où il mourut. Deux de ses fils ont été conseillers de préfecture des Vosges, Gonzale en 1848, Henri, de 1868 à 1880. Paul Merlin a laissé un ouvrage intitulé Alsace et Lusitanie, imprimé à Epinal.

Jean-Baptiste LOYE, Chevalier de la Légion d'honneur et de St-Louis, maire de Bruyères, sous-préfet de l'arrondissement de St-Dié en 1830, né à Bruyères en 1777, mort en 1860.

Valentin de la PELOUSE, publiciste distingué, né à Bruyères en 1777.

Le docteur Jean-Baptiste MOUGEOT, Chevalier de la Légion d'honneur, naturaliste éminent, correspondant de l'Académie de médecine, auteur d'un grand nombre de publications scientifiques, membre du Conseil général du Département, né à Bruyères le 25 septembre 1776, mort en 1858 ; une étude sur sa vie et ses œuvres a été publiée par M. Fliche, professeur à l'Ecole forestière. (Nancy, 1820).

  1. Joseph-Antoine MOUGEOT, Chevalier de la Légion d'honneur, fils du précédent, docteur en médecine, secrétaire de la Société mycologique de France, auteur de travaux géologiques et botaniques sur les Vosges, ancien président du Conseil général des Vosges, né à Bruyères en 1815.
  2. Gabriel SCHUMANN, auteur d'œuvres de poésie, notamment Les Vosges poétiques, né à Bruyères en 1839.
  3. Félix BOUVIER, auteur de diverses études sur la Révolution et notamment d'un ouvrage intitulé : Les Vosges pendant la Révolution (Paris 1883), né à Bruyères en 1853.

 

 

Source : Département des Vosges par Léon Louis et Paul Chevreux – 1887

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



28/12/2017
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