La Lorraine dans le temps

La Lorraine dans le temps

la cheminée lorraine

Dans la cheminée lorraine dont le vaste manteau aurait pu abriter une douzaine d’hommes, un grand feu flambait, pareil à un bûcher, léchant de ses langues d’or et de pourpre, avivées de clartés bleues, le mur recouvert de suie, où s’allu­maient des traînées d’étincelles. Une armée de marmites et de casseroles de toutes tailles, serrant leurs flancs ventrus, reposait sur un lit de braise rougeoyante, largement étalée, et des servantes se penchaient, la face allumée par le rayonne­ment du brasier, levant de temps à autre un couvercle, goû­tant une sauce, ajoutant par-ci par-là une pincée de poivre ou un clou de girofle. — Un tournebroche monumental tour­nait devant la flamme, avec un grand bruit de ferraille, supportant un chapelet de volailles dont la peau rissolée et craquelée se dorait peu à peu à la chaleur du foyer : la graisse blonde coulait dans une lèchefrite de fer-blanc, aussi large qu’une bassine. — Et des odeurs de chairs cuites à point, bardées de lard, montaient, appétissantes, délicieuses, qui vous mettaient au ventre une sensation de faim âpre et cuisante et vous faisaient venir l’eau à la bouche.

 

 

Par moment une femme jetait dans le feu une brassée de bois sec. Alors la flamme montait, fouillant la pénombre de la grande pièce où le jour mourait doucement, faisant étin­celer sur des rayons les cuivres des lourdes bassines, astiquées pour la circonstance.

Rosalie Mâchefer, une vieille femme dont le bonnet de travers, les jupes tournées sur les hanches montraient bien l'affairement et le désarroi, donnait des ordres à ses valets, répondait aux clients, plongeait ses mains dans les poches de son tablier, où des poignées de billon sonnaillaient. Pour rendre la monnaie, elle tirait les gros sous qu’elle comptait avec des mouvements rapides et des doigts gourds.

 

Emile Moselly, Jean des Brebis.Le Livre de la Misère.

 

 

 



16/12/2018
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