La Lorraine dans le temps

La Lorraine dans le temps

le Etats de Lorraine sous Léopold - 2.17 - les incendies

 

Dans le cours de l’hiver 1703 à 1704, de fréquents feux de cheminée éclatent à Nancy et répandent l’alarme dans la ville.

Le Conseil de ville en prend occasion pour publier à nouveau les anciennes ordonnances sur la matière et en prescrire l’exécution sous peine d’amende et de prison. D’après son ordonnance du 10 janvier 1704, les propriétaires et les locataires doivent faire nettoyer tous les trois mois les cheminées de leurs maisons et de celles que les gens de guerre occupent. Au premier coup de cloche, les commissaires de police et les sergents de ville courent prévenir les conseillers de leurs quartiers respectifs, les conduisent au lieu du sinistre et exécutent leurs ordres ; les manœuvres et les porte-faix de la Ville-Vieille se réunissent devant le magasin voisin du presbytère de Saint Evre, et ceux de la Ville-Neuve dans la cour de l'hôtel de ville, pour recevoir et prendre les seaux et autres instruments nécessaires à l’extinction du feu. Les bourgeois de leur côté fournissent aussi leurs seaux et les remplissent d’eau au fur à mesure des besoins Ceux qui possèdent des puits les munissent de cordes solides et en dirigent l’eau dans le voisinage de la maison incendiée. Les ouvriers aux gages de l'hôtel de ville, les charpentiers, maçons et autres se mettent promptement à la disposition de l’autorité, et, s’il fait nuit, tout habitant place de la lumière sur ses fenêtres.

 

 

Il semble au Conseil qu’un moyen d’arrêter les progrès des flammes serait d’élever les murs mitoyens et les pignons des maisons à cinq pieds de Lorraine au-dessus de la pente des toitures, de les terminer en chaperons, de les couvrir de tuiles, de pierre de taille et de faire le tout en bonne maçonnerie et suivant les indications du lieutenant général de police. Cette mesure est ordonnée par le règlement du 27 mars 1721, qui avertit les récalcitrants que les exhaussements seront faits à leurs frais et qu'ils seront punis d’une amende de 100 francs.

Mais Léopold ne laisse pas au Conseil de ville seul le soin de prévenir ou de combattre les incendies : il veut lui-même s’occuper d’un objet aussi important. Par un édit du 1or juillet I7I9, il ordonne la démolition de tous les fours construits dans les chambres, greniers, faux-greniers, celliers, granges et écuries, et défend à toutes personnes, même aux gens de sa cour et de ses troupes, d’en établir ailleurs que dans des caves bien voûtées ou dans des souterrains et lieux où il n’y ait aucun danger. Les fours doivent être bâtis avec précaution et selon les règles de l’art. La fumée conduite par des gorges de sûreté, les foyers et les âtres construits en maçonnerie bien posée, avec quantité suffisante de terre au-dessous. Le duc ne permet plus de conserver des bois, copeaux, charbons, cendres, braise et autres matières combustibles dans les chambres à feu ; on doit en éloigner aussi les foins, les pailles, les fourrages. Les charpentiers, les tonneliers, les menuisiers ne peuvent tenir dans leurs maisons plus de bois que leur profession n’en exige, sauf à eux à former des approvisionnements ailleurs. Dans chaque maison, il faut élever des murs en moellons, briques ou demi-briques dans les pièces voisines des foyers. La moindre contravention donne lieu à l’application d’une amende de cinq cents francs.

L’ordonnance ducale du 14 novembre 1721 modifie celle du Conseil de ville du 17 mars précédent, en réduisant à deux pieds la hauteur des murs mitoyens au-dessus de la toiture, pour la ville comme pour la campagne. Comme les incendies sont plus fréquents dans la campagne et que les secours y sont moins prompts, tout particulier doit se servir, en battant les grains ou en visitant les écuries pendant la nuit, d’une lumière contenue dans une lanterne et ne pas en employer d’autres. Les maires se font représenter ces lanternes tous les quinze jours pour s’assurer qu'elles sont en bon état.

Cependant les incendies se renouvellent toujours plus nom­breux., ruinant ceux qui les occasionnent par leur imprudence ou leur négligence, et enveloppant dans celle ruine leurs voisins qui ne peuvent exercer qu’un recours pour ainsi dire dérisoire. Léopold s’en afflige ; il attribue ces désastres non-seulement à l’incurie des habitants, mais encore à l’incurie de ses officiers et de ses maires, qui observent mal ses édits et ses ordonnances malgré ses recommandations. Pour les forcer à plus de vigilance et de soin, de nouvelles mesures sont prescrites par la déclaration du 22 novembre 1728.

Cette déclaration impose à tous les prévôts le devoir de se transporter deux fois par mois dans les villages et les hameaux, pour en visiter les maisons et constater si les maires et les particuliers ont complètement satisfait à leurs obligations. Ils condamnent sur-le-champ et sans appel tout contrevenant à une amende de 20 francs. Les maires ou les officiers principaux, assistés de deux habitants, ont le droit de faire abattre les cheminées et les fours mal construits et de condamner à une amende de cinq francs les propriétaires ou locataires qui sont dépourvus de lanternes, ou qui fréquentent leurs greniers et leurs écuries avec des lampes ou des chandelles à découvert, ou qui y portent du feu ou enfin qui fument dans les granges en battant le grain. On ne met plus sécher les bois, les chanvres et les lins dans les fours ni sur les courbes des cheminées, on ne peut plus filer les chanvres et les lins dans l’intérieur ni auprès des habitations. On ne jette ou on ne répand plus les pailles au-devant des maisons qu’à la distance d’une toise. On doit boucher d’une brique ou d’une pierre plate les ouvertures pratiquées dans les murs mitoyens pour servir de témoins. Les sommiers et les poutres ne passent plus au-dessus des foyers. Mais afin de ne pas interrompre la préparation des chanvres et des lins, les maires et les gens de justice sont tenus de faire construire aux frais de la communauté un hallier et un four où ce travail se fera.

Les prévôts sont chargés d’envoyer aux secrétaires d’Etat, dans le courant de décembre de chaque année, des rapports sur leurs tournées et sur leurs visites, comme sur celles des maires. Ils y indiquent les abus et les délits reconnus, les règlements faits, les amendes prononcées par les maires et par eux, et la quotité des deniers perçus. Il est disposé de ces deniers sur l’ordre du duc. Les prévôts doivent fidèlement remplir leur tâche sous peine d’interdiction de leurs fonctions, d’amendes ou d’autres punitions, selon l’exigence des cas : ils sont de plus responsables de l’inexécution des règlements.

Les bois de construction et les permissions de quêter (de chercher du bois de construction) sont refusés aux habitants dont les maisons ont été incendiées par leur faute. Au reste, le duc apporte la plus grande réserve dans la délivrance des permis de quête. Les incendiés quêtent eux-mêmes ou font quêter leurs femmes et leurs enfants ; seulement, en cas de maladie ou d’empêchement, ils peuvent se faire remplacer par des tiers, mais avec la permission du duc que ceux-ci font viser par les maires et les officiers de police, et qui porte le signalement de leur personne et de leurs habits, pour éviter toute surprise et toute fraude. D’ailleurs la quête ne doit se faire que dans l’étendue du bailliage où l’on est domicilié.

Voilà certes des mesures dictées par la prudence la plus éclairée et allant droit au but que se proposaient le duc et l’hôtel de ville. Il n’y manquait que la création toute moderne et si efficace des pompes à incendie et des corps de pompiers, et celle des compagnies d’assurances qui n’est pas moins avantageuse.

 

A suivre.

 

 



17/11/2020
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