La Lorraine dans le temps

La Lorraine dans le temps

Les Etats de Lorraine sous Léopold - 2.5 Questions religieuses

L’hôtel de ville de Nancy montra par plusieurs de ses règlements qu’il tenait à l’observation des dimanches et des fêtes. En cela il ne faisait que suivre l’impulsion de Léopold.

Le duc était sincèrement pieux, honorait la religion, protégeait l’église, respectait les ministres des autels et faisait éclater sa dévotion dans toutes les circonstances qui le réclamaient. Un sacrilège ayant volé le saint ciboire dans l’église des Cordeliers de Nancy, on vît le prince venir exprès de Lunéville pour assister à la procession et à l’amende honorable qu’il fit faire en expiation de cette impiété.

La religion catholique, apostolique et romaine était en Lorraine la religion de l’État. Les autres cultes étaient proscrits. Des peines terribles étaient portées par d’anciennes lois contre ceux qui les protégeaient ou les propageaient. Dans certains cas, on courait le risque d’être brûlé vif sur le bûcher.

Il arriva pourtant qu’au mépris de ces lois, des gens qui professaient le luthéranisme entrèrent au service de l’abbé de Beaupré et se logèrent dans la basse-cour et dans d'autres dépendances de l’abbaye. Informée de ce fait, la Cour souveraine ordonne, par son arrêt du 5 juin 1698, que ces hérétiques sortiront des états du duc, avec tous leurs effets, dans le délai de quarante jours, et qu’ils seront, en cas de résistance, poursuivis selon toute la rigueur des lois. L’abbé est sévèrement admonesté. La Cour lui défend, comme à tout autre sujet du duc, d’employer désormais des protestants ou de leur donner asile.

 

Basilique de Saint-Nicolas-de-Port

 

La guerre aidant, d’autres protestants, en assez grand nombre, s’étaient fixés dans le village de Tanviller, situé en Alsace et compris dans le bailliage de Saint-Dié. Ils y vivaient tranquilles et se croyaient oubliés. Mais un arrêt de la Cour du 5 août 1700 dissipe leur erreur, en leur prescrivant de quitter la Lorraine, avec leurs familles et leurs bagages, dans le délai de trois mois, à peine d’y être contraints « par toutes voies dues et raisonnables, même par confiscation de leurs biens meubles et immeubles. »

La même mesure est en même temps appliquée à quelques familles juives de Tanviller.

Les Israélites ne faisaient cependant pas de propagande comme les protestants, mais ils avaient d’une autre manière attiré sur eux les rigueurs du pouvoir et les haines de la population. Ils faisaient largement l’usure. Ils savaient faire produire à l’argent qu’ils prêtaient, un intérêt annuel de dix à douze pour cent, doublant ainsi l’intérêt de cinq, seul autorisé par la loi lorraine. D’un autre côté, au moyen de certaines combinaisons, leurs prêts les plus faibles finissaient souvent par s’élever à des sommes énormes, et ils dépouillaient sans façon de leurs biens ceux de leurs débiteurs qui ne pouvaient rembourser aux époques convenues. Leurs victimes se plaignaient hautement de leur avarice et de leur dureté. Leur mécontentement allant toujours croissant, Léopold croit devoir les traiter aussi favorablement que les communautés ont été traitées sous l’administration du comte de Carlinford. Suspendant toute poursuite, il leur accorde, le 13 août 1698, un délai de trois ans pour payer leurs dettes, et réduit à cinq pour cent les intérêts échus ou à échoir. Mais les juifs poussent de hauts cris et se hâtent de réclamer. Dans leur supplique, ils font habilement remarquer au prince qu’ils sont venus avec empressement et de bonne foi au secours de ses sujets ruinés par les dernières guerres, qu’ils ont un besoin urgent des fonds prêtés par eux et que le remboursement ne saurait en être retardé. Léopold se laisse toucher par leurs lamentations. Il revient sur sa décision, et, le 20 janvier 1699, il autorise les juifs à reprendre immédiatement leur action contre les personnes qui leur ont souscrit des billets et des lettres de change, ou qui leur ont acheté des chevaux, des bestiaux et différentes autres marchandises, mais il ne veut pas qu’ils poursuivent leurs autres débiteurs avant le 1er septembre.

 

Synagogue de Nancy

 

En 1726, un arrêt du Conseil d’Etat vient troubler la tranquillité des juifs. On trouve mauvais qu’ils habitent les mêmes lieux que les catholiques et qu’ils se confondent avec eux. Il pouvait, disait-on, en résulter les plus graves dangers. On les sépare. Il est ordonné à tous les israélites sans exception, banquiers, marchands et autres, ayant ou non des lettres de privilège, de se défaire des maisons qu’ils occupent comme propriétaires ou locataires dans l’intérieur des villes, bourgs et villages, de les vider et d’en sortir dans le mois, et en cas de refus, les propriétaires verraient leurs maisons, confisquées et les locataires paieraient une amende de 2000 livres. Les officiers de police dans les villes, les maires et gens de justice dans les villages demeurent chargés de leur assigner des terrains ou des maisons propres à leur habitation, dans les lieux les plus reculés et les moins fréquentés, sans qu’il soit permis à aucun catholique de s’y établir. Ces immeubles seront achetés ou loués de gré à gré ; en cas de contestation, des experts nommés d'office les estimeront, et les contrats de vente ou de location seront dressés sans désemparer.

 

D’après Charles Charton, « la Lorraine sous le duc Léopold », 1866.

 



28/06/2020
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