La Lorraine dans le temps

La Lorraine dans le temps

Les Etats de Lorraine sous Léopold - 2.4 le pays ruiné

 

Le luxe qu’on affichait aux fêtes n’était pas en rapport avec la position déplorable du pays. Les châteaux de la noblesse avaient été ruinés par Créqui ; ses domaines demeuraient partout sans cultures. Il ne restait rien au peuple ; des villages entiers étaient désertés faute d’habitants, les bras manquaient à l'industrie : en un mot, le peuple était pauvre, la noblesse indigente, et le clergé ignorant.

Rien ne prouve mieux la pauvreté générale que le fait suivant : lors du transport à Nancy, en 1700, de la dépouille mortelle de Charles V, Léopold avait enjoint à toutes les villes de la province de se faire représenter par deux députés vêtus de deuil. La ville de Charmes, ne pouvant faire les dépenses de ce costume, emprunta à Mirecourt l'habit du sieur Marseille, à qui on offrit une pièce de dentelles pour rémunération de ce service ; le receveur de la ville ajoute dans son compte : trois francs six gros payés à Nicolas Rouyer, pour avoir raccommodé les dits habits et nettoyé la cire qui les couvrait ».

Léopold s'attacha à porter remède à cet état de choses. On réforma les bailliages (2) ; on réprima la fureur des duels qui éclaircissaient les rangs de la noblesse, et on essaya de ramener l'ordre dans les cours de justice. Des privilèges et des dons invitèrent les étrangers à venir repeupler la Lorraine et le Barrois. En même temps, on permit à tous individus, quelle que fût leur profession, à l'exception des chirurgiens, apothicaires et orfèvres, d'entrer dans les duchés, d'y «lever et tenir boutique ouverte», et de travailler librement pendant cinq années, sans être obligés de faire aucun apprentissage ou chef-d’œuvre, en restant cependant soumis aux visites des maîtres et jurés des corps et métiers. Cette liberté du travail fut prorogée, en 1703, 1709 et 1710 ; ce qui établit en matière d'industrie une liberté presque absolue.

Les habitants chargés d'une nombreuse famille furent soulagés dans le paiement des impôts. On conclut un traité avec la ville de Metz pour la correspondance et la liberté du commerce. Les habitants des Trois-Evêchés et des pays voisins cédés à la France purent posséder des biens en Lorraine et se virent déchargés du droit d'aubaine qui fut également éteint avec la France. On ordonna, en même temps, que chaque communauté entretiendrait ses pauvres et arrêterait les mendiants étrangers.

 

 

Léopold venait de faire à Paris, avec le plus de discrétion possible, l'hommage exigé par Louis XIV pour le duché de Bar, quand parut un traité de partage des Etats du roi d'Espagne, conclu entre l'Angleterre, la Hollande et la France, au détriment de l'Empire. La Lorraine et le Barrois furent à la veille d'être enlevés à Léopold qui devait recevoir en échange le Milanais. Ce prince avait déjà accepté, avec plus ou moins d'enthousiasme, quand un nouveau testament de Charles II fit échouer la combinaison projetée, et donna naissance à la néfaste, longue et sanglante guerre de Succession. Léopold, sollicité d'y prendre part (1701), refusa sagement les offres et les incitations de ses deux oncles, et, entre les parties belligérantes, sut faire jouir ses sujets du bonheur de la paix.

Pendant qu'on égorgeait des milliers de victimes, qu'on dévorait le fruit des sueurs des peuples pour savoir par qui l'Espagne serait exploitée, pressurée, la ville neuve de Nancy se vit fermée par les murailles qui coûtèrent 150.000 livres et furent réparties sur le duché en trois annuités.

 

(2) Dès le 31 août 1698, on avait supprimé les tribunaux inférieurs et divisé en dix-sept arrondissements le territoire de la Lorraine et du Barrois. Dans chacun d'eux, on établit un bailliage, et, en général, une ou deux prévôtés. Les bailliages eurent pour sièges, Nancy, Mirecourt, Saint-Dié, Lunéville, Neufchâteau, Bruyères, Epinal, Châtel-sur-Moselle, Vézelise, Nomeny, Sarreguemines, Saint-Mihiel, Etain, Pont-à-Mousson, Bourmont, Gondrecourt et Bar-le-Duc. Le nombre des magistrats qui les formaient varia suivant l'importance des lieux et de leurs ressorts. — Il y eut des prévôtés à Nancy, Rosières, Amance, Saint-Nicolas, Château-Salins, Gondreville, Prény, Pompey, Condé, Chaligny, Einville, Marsal, Mirecourt, Châtenoy, Arches, Dompaire, Charmes, Darnay, Remoncourt, Valfroicourt, Badonviller, Blâmont, Deneuvre, Azerailles, Sainte-Marie-aux-Mines. Sarreguemines, Vaudrevange, Insming, Dieuze, Boulay, Freistroff, Siersperg, Sarralbe, Saint-Avold, Bitche, Bouquenom, Saint-Mihiel, Hattonchâtel, Apremont, Sancy, Norroy-le-Sec, Briey,  Foug, Bouconville, Longuyon, Arrancy, Thiaucourt, Mandres-aux-Quatre-Tours, Bourmont, Lamarche, Conflans, Chatillon-sur-Saône, Gondrecourt, Bar, Souilly et Pierrefitte.

 

A suivre.

 



22/06/2020
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi