La Lorraine dans le temps

La Lorraine dans le temps

la Lorraine sous Léopold - 2.21 - les forêts (1)

 

 

Les forêts et les eaux, théâtre de la chasse et de la pêche, devaient nécessairement tenir une place importante dans les préoccupations du duc de Lorraine. Les forêts étaient à peu près livrées au pillage dans plusieurs contrées et particulièrement dans les montagnes des Vosges. Les villes, les bourgs, les villages, les chapitres, les communautés séculières et régulières, et même bon nombre de particuliers prétendaient avoir le droit d’y prendre leur bois de chauffage et de construction et d’y faire paître leurs bestiaux. Les uns faisaient valoir des décrets d’autorisation dont l'effet était limité par le bon plaisir des ducs ; les autres faisaient valoir des possessions usurpées à la faveur des troubles et des guerres, ou grâce à l’indulgence et à la négligence des autorités forestières. Les uns et les autres coupaient les bois sans contrôle et, quand ils le voulaient, les vendaient contrairement aux ordonnances, aux coutumes et à leurs propres titres, et ruinaient ainsi les forêts, tout en diminuant considérablement les produits des grueries. Il y en avait aussi qui pêchaient ou faisaient pêcher abusivement dans les rivières, les ruisseaux, les lacs et les étangs. La révision générale des actes sur lesquels reposaient les droits invoqués par tous ceux qui dévastaient de cette façon les bois et les cours d’eau devenait chaque jour plus nécessaire et plus pressante. Le duc la prescrit par son ordonnance du 15 mai 1702.

L’exécution de cette ordonnance et d’autres décisions rendues en matière d’eaux et forêts soulevant journellement de sérieuses difficultés, Léopold nomme, le 1er mars 1703, une commission spéciale pour les juger en dernier ressort. Cette commission prend le nom de conseil ou bureau des eaux et forêts, et se compose de MM. de Mahuet, l’un des conseillers et secrétaire d’Etat, intendant de l’hôtel et des finances du duc, Darmure, conseiller d’État, maître des requêtes ordinaires de l’hôtel, Rennel de Lèsent, conseiller d’État, président de la Cour souveraine de Lorraine, Itennel d’Andilly et Sarrazin, conseillers d’Etat, maîtres des requêtes ordinaires de l’hôtel, de Gondrecourt et Duboys, conseillers à la Cour souveraine et commissaires généraux réformateurs des eaux et forêts aux départements de Nancy et de Pont-à-Mousson. M. Vignolles, conseiller d’Etat et procureur général en la chambre des comptes, y remplit les fonctions de procureur du duc.

Le conseil se réunit une fois par semaine. Il est alloué à chacun de ses membres un droit de chauffage évalué à 700 livres par an et au greffier la moitié de ce droit. Cette rétribution paraîtra sans doute dérisoire aujourd’hui, mais elle était, dans ces temps éloignés, considérée comme une rémunération suffisamment princière.

Le désordre et la confusion étaient les mêmes dans l’exploitation des forêts et des bois affectés aux salines du pays. On avait arraché la plupart des bornes qui les séparaient des bois riverains appartenant aux communautés et aux particuliers. Il s’en était suivi des anticipations qui leur étaient préjudiciables. D’autre part, les héritiers de ceux qui avaient vendu des bois aux ducs pour le service des salines, en avaient repris possession sans scrupule, s’appuyant sur des titres de propriété retrouvés dans leurs familles, qui ne s’en étaient pas dessaisies lors de la vente. Ils ne s’étaient pas fait faute non plus de dévaster ces forêts. De sorte que les salines étaient à la veille de manquer de bois. Léopold fait à la fois procéder à la révision des titres et à l’abornement général des forêts, et fixe à six sols par arpent les frais d’arpentage et de délimitation.

Les abus s’étaient glissés jusque dans le partage des francs- vins provenant des ventes et des adjudications des bois domaniaux. Les deux tiers de ces francs-vins étaient abandonnés, à litre de gages, selon les intentions du souverain, aux gruyers qui s’acquittaient réellement de leurs devoirs, mais, comme ils étaient perçus sans distinction par tous les officiers de gruerie ou par leurs greffiers, ils profitaient également à ceux qui faisaient leur service et à ceux qui ne le faisaient pas. Cette tradition n’est pas encore tout à fait perdue. Le conseil des eaux et forêts essaya de la corriger, en décidant, le 19 juillet 1706, que les receveurs des grueries seraient seuls chargés à l’avenir du recouvrement des francs-vins, et que les commissaires généraux réformateurs les répartiraient aux ayant-droit.

On volait impunément jour et nuit aux adjudicataires les bois qu'ils façonnaient dans les forêts du domaine, sans que les gruyers pussent mettre la main sur les voleurs.

Ces vols se commettaient surtout pendant que les communautés et les particuliers coupaient leurs affouages dans les bois communaux contigus aux forêts domaniales. Les affouagistes pénétraient furtivement dans ces dernières, en enlevaient les bois abattus, les mêlaient à leurs portions affouagères auxquelles ils avaient soin de donner la même longueur et emportaient le tout en parfaite sécurité. Il y avait un moyen bien simple de constater et de prévenir ces soustractions, c’était de donner une longueur spéciale et plus considérable aux bois d’affouage. Le conseil y a recours et fixe cette longueur à six pieds par son arrêt du 23 janvier 1708, qui punit toute contravention de la confiscation et de l’amende.

Il met aussi un frein aux ravages qui avaient lieu dans les forêts voisines de Nancy. La population de cette ville et des environs, s’autorisant du prétexte de la misère publique, s’attroupait pour aller exploiter ces forêts comme elle l'entendait. On voyait les habitants revenir en ville avec des charges de bois contenues dans des hottes, ou portées sur les épaules ou sur des ânes, et les vendre dans les rues ou sur les places publiques comme s’ils les avaient achetées aux adjudicataires.

Il n’était pas du reste possible de reconnaître l’origine du bois volé, et cette circonstance enhardissait les délinquants à tel point qu’ils saccageaient entièrement les forêts et que les gruyers étaient impuissants à empêcher le mal. Le conseil remédie à cet état de choses par son arrêt du 7 janvier 1713, qui défend à toute personne d'apporter en ville ou ailleurs du bois sec ou vert sans justifier de son achat par des certificats en bonne forme, sous peine de confiscation, d’amende et même de prison, et qui rend les marchands de bois responsables des attestations équivoques ou mensongères délivrées par eux.

 

A suivre.

 

Source : la Lorraine sous le duc Léopold – 1866. Ch Charton.

 

 

 



09/02/2021
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