La Lorraine dans le temps

La Lorraine dans le temps

la Lorraine sous Léopold - 2.22 - les forêts (2)

 

La vaine pâture était formellement interdite dans les forêts. Cependant les grandes sécheresses de 1711 ayant rendu les fourrages très rares et très chers, les cultivateurs ne pouvaient donner une nourriture suffisante à leurs chevaux et à leurs bestiaux qui dépérissaient à vue d’œil. Le duc a pitié d’eux, et, tempérant la rigueur des règlements, permet à tous ses sujets de faire paître leurs bêtes de labour et leurs bêtes à cornes à partir du 17 mars 1720 jusqu’au 30 juin suivant, tant dans ses bois et forêts que dans ceux de ses vassaux et des communautés séculières et régulières, et dans les taillis âgés de plus de six ans. Il espérait qu’avant la fin de juin les campagnes fourniraient les nouveaux fourrages nécessaires à l’alimentation du bétail.

La même faveur est derechef accordée pour les mêmes causes jusqu’au 1er septembre 1723 par l’ordonnance du 2 juin précédent.

Depuis l'édit de novembre 1707, des abus, des malversations, des contraventions aux ordonnances et aux règlements concernant la juridiction gruriale, l’exploitation des forêts, la police et la conservation des bois des communautés et des vassaux, la pêche, les peines et les amendes étaient sans cesse relevés par les commissaires généraux réformateurs. Ces désordres menaçaient les forêts de la Lorraine du plus funeste avenir. Le duc ne veut rien omettre pour conserver à ses peuples des biens dont l’usage leur est si précieux et si nécessaire, et prend la résolution de manifester ses intentions d'une manière si claire et si précise, que les fausses interprétations, les subterfuges, l’avidité des délinquants ne puissent les soustraire aux peines qu’ils auront encourues. C’est dans ce but qu’il publie sa déclaration du 31 janvier 1724, qui, par de nombreux articles, fortifie et complète les règlements antérieurs.

Cette déclaration s'occupe d’abord de la juridiction des officiers de gruerie, du recouvrement du prix de vente des bois, des francs-vins, des amendes, des dommages-intérêts et de toutes les condamnations judiciaires. Elle indique ensuite les mesures à prendre pour la marque, l’adjudication et la coupe des bois et pour la conservation des forêts. Les communautés des hautes-justices ne peuvent ni vendre leurs bois, ni y faire des coupes sans l’autorisation du duc, qui s’approprie le tiers denier du prix de vente. La distribution des affouages, source de tant de querelles dans les communes, est ainsi réglée : les affouagistes sont divisés en trois classes comprenant, la première, ceux qui paient une contribution de trente livres et au-dessus ; la seconde, ceux qui paient de dix à trente livres, et la troisième, ceux qui paient moins de dix livres. La première classe reçoit une portion entière, la seconde, deux tiers de portion, et la troisième, un tiers. Le seigneur a droit à deux portions, le curé, le vicaire, le gentilhomme ou le noble, à une portion et demie, et les autres privilégiés, à une portion entière. Toutes ces portions sont tirées au sort pour prévenir les réclamations. C’était juste sans doute, mais ce qui ne l’était pas dans ce système, c’était de priver d’affouages les lorrains qui n’étaient point imposés à raison de leur indigence. N’était-ce pas d’ailleurs les contraindre à se procurer par des délits le bois de chauffage qui leur était refusé ? Le duc ne tarde pas à le reconnaître et, par sa déclaration du 13 juin 1724 qui rectifie ou modifie celle du 31 janvier, il abroge la différence établie pour les portions d’affouages, en décrétant qu’elles seront toutes égales, sans distinctions, et que les pauvres recevront autant de bois que les riches. Les seigneurs hauts-justiciers seuls continuent à recevoir des portions doubles.

La déclaration du 31 janvier ne ménage point les délinquants forestiers. S’ils sont insolvables, elle les punit pour la première fois d’un mois de prison, au pain et à l’eau ; pour la seconde, de deux mois ; pour la troisième, du carcan pendant trois heures, un jour de marché, avec bannissement pendant trois ans, et pour la quatrième, du fouet et du bannissement perpétuel. Depuis ce temps, la pénalité est devenue bien plus douce ; il n’y a plus maintenant pour les délinquants de l’espèce ni fouet, ni carcan, ni bannissement, mais seulement amende et prison.

La même déclaration fixe à six le nombre des commissaires généraux réformateurs, comme celui des départements de gruerie dont les chefs-lieux sont Nancy, Epinal, Saint-Mihiel, Bar, Pont-à-Mousson et Sarreguemines. Ces commissaires assistent avec voix délibérative au conseil des eaux et forêts. Leur devoir est avant tout de veiller strictement à la conservation et au repeuplement des bois et forêts. Ils assurent l’exécution des décisions du souverain, visitent les forêts et constatent les abus et les dégradations. Il leur est alloué par an 150 livres pour leur chauffage. Chacun d’eux a à sa disposition un garde général qui touche 100 livres de gage. Ils nomment et révoquent à volonté les gardes forestiers. Ils ont toute autorité et inspection sur toutes les roules et tranchées des bois et forêts, tant pour la sûreté des communications que pour la commodité des chasses du prince.

Mais un, édit du 3 avril 1727 supprime ces offices et les remplace par un même nombre d’offices héréditaires de grands gruyers maîtres et réformateurs des eaux et forêts. Les attribu­tions, les droits, les avantages de ces nouveaux fonctionnaires sont à peu près les mêmes que ceux des commissaires généraux. Ils prennent le titre d’écuyer qui leur confère, ainsi qu’à leurs descendants, les honneurs, les prérogatives, les privilèges, les immunités de la noblesse Ils reçoivent pour gages et appoin­tements le tiers du droit de doux gros par franc sur les francs- vins de toutes les ventes de bois. Ils touchent en outre 200 livres pour leur droit de chauffage, 300 livres pour les gages d’un secrétaire et 150 livres pour les gages d’un garde forestier à cheval, le tout prélevé sur le produit des amendes. Ils jouissent encore « du droit de franc-salé (1) fixé à 6 vaxels par an ». Ils tiennent leur audience au siège des grueries de leur département et jugent avec les gruyers les affaires ordinaires et les délits.

Les charges de grands-gruyers étaient vénales et mises à l’enchère sur une première mise à prix de 60,000 livres et adjugées aux plus hardis enchérisseurs. Il fallait être riche pour les acheter ; mais on était dispensé, paraît-il, pour les remplir, de justifier de ces connaissances théoriques ou pratiques en matière forestière.

 

A suivre.

 

Source : la Lorraine sous le duc Léopold – 1866. Ch Charton.

 

 



16/03/2021
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