La Lorraine dans le temps

La Lorraine dans le temps

La vie en Lorraine au siècle des Lumières - 1.11 voyage chez les d'Orléans - 1.12 les Jésuites à la cour

En 1718, le duc et la duchesse de Lorraine firent un voyage à Paris ; ils logèrent chez le duc d’Orléans au Palais-Royal. Le prince s’était naturellement fait accompagner de l’inséparable ménage, et la duchesse d’Orléans (la princesse palatine) put voir enfin cette femme qui lui causait tant de soucis. Elle fut obligée de rendre hommage à sa beauté et à sa bonne tenue : « Elle a fort bonne mine, dit-elle, et un air modeste qui plaît... Elle rit d’une façon charmante et elle se conduit vis-à-vis de ma fille avec beaucoup de politesse et d'égards. Si sa conduite était sous les autres rapports aussi exempte de blâme, il n’y aurait rien à dire contre elle. »

En même temps, elle est obligée d’avouer que sa fille a beaucoup enlaidi : « Elle a un vilain nez camus, dit-elle ; ses yeux se sont cernés, sa peau est devenue affreuse. » Devant ce portrait, on ne s’explique que trop bien les préférences de Léopold.

La duchesse d’Orléans, qui ne cesse de surveiller les deux amants, reste stupéfaite de la passion du prince, de sa violence, qui lui fait perdre tout sentiment, qui l’absorbe au point de lui faire tout oublier. Il veut cacher son amour, et, plus il veut qu’il soit ignoré, plus on le remarque. Quand Mme de Craon n’est pas là, le duc est inquiet, regarde toujours du côté de la porte ; quand elle entre dans la chambre, sa figure change, il rit, il est tranquille. Puis au bout d’un instant, lorsqu’on croit qu’il va regarder devant lui, sa tête se tourne sur ses épaules, et ses yeux restent fixés sur Mme de Craon. C’est un drôle de « spectacle », dit-elle ; mais elle avoue qu’on ne peut être plus épris d'une femme que le prince ne l'est de « la Craon » et qu’il a pour elle la plus grande passion qui soit possible.

La favorite, du reste, était loin de manifester pour le prince la même admiration et la même déférence : « Elle traite le duc de haut en bas, écrit Mme d'Orléans, comme si c’était elle qui fût duchesse de Lor­raine et lui M. de Ligniville. »

 

le duc Léopold

 

1.12 – Les jésuites à la cour

 

 

 

Les Pères jésuites qui résidaient à la cour de Lorraine et qui étaient les confesseurs du souverain s’efforçaient de faire croire à l’innocence des rapports du prince et de Mme de Craon. A les entendre, il n’existait entre eux qu'une pure amitié et il fallait avoir l’esprit bien mal fait pour soupçonner un autre sentiment. Le Père de Lignères, confesseur de la duchesse d’Orléans, fut chargé par ses confrères de Nancy de persuader à sa pénitente cette bienveillante interprétation. Mais la duchesse le reçut de main de maître. Il faut l’entendre raconter elle-même l’incident :

« Mon confesseur s’est donné toutes les peines du monde pour me faire croire qu’il ne se passe pas le moindre mal entre le duc de Lorraine et Mme de Craon. Je lui ai répondu : « Mon Père, tenez ces discours dans votre couvent, à vos moines qui ne voient le monde que par le trou d’une bouteille ; mais ne dites jamais ces choses-là aux gens de la cour. Nous savons trop que quand un jeune prince très amoureux est dans une cour où il est le maître, quand il est avec une femme jeune et belle vingt-quatre heures, qu’il n’y est pas pour enfiler des perles, surtout quand le mari se lève et s’en va sitôt que le prince arrive... Ainsi, si vous croyez sauver vos Pères jésuites qui sont les confesseurs, vous vous trompez beaucoup, car tout le monde voit qu’ils tolèrent le double adultère... »

Le Père de Lignères, abasourdi par cette sortie, baissa la tête et se le tint pour dit.

Quant à la duchesse, elle ajoute :

« Tous les jésuites veulent que l’on tienne leur ordre pour parfait et sans tache ; voilà pourquoi ils cherchent à excuser tout ce qui se passe aux cours où l'un des leurs est confesseur. Aussi j’ai dit au mien, sans ménagement : « Ce qui se passe à Lunéville est inexcusable... C’est là un adultère public, et plus souvent ils feront approcher de la sainte table le duc et sa maîtresse, plus grand sera le scandale. »

 

A suivre

 

 

 

 



26/04/2020
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