La Lorraine dans le temps

La Lorraine dans le temps

La vie en Lorraine au siècle des Lumières - 1.16 Elisabeth Charlotte

Le 12 février 1736, au moment où l'on célébrait en grande pompe, à Vienne, le mariage du duc François avec l'archiduchesse Marie-Thérèse, le château de Lunéville était en fête. La régente, Elisabeth Charlotte, réunissait dans un repas de quatre cents couverts les ministres étrangers et les seigneurs du pays ; le soir, les bosquets s'illuminaient de mille feux.

Le surlendemain, les officiers municipaux de Lunéville firent de grandes réjouissances publiques. L'architecte Jadot éleva dans la principale cour du château un temple de l'Hymen, de 80 pieds de hauteur, terminé par une coupole, que surmontait un aigle gigantesque; l'édifice présentait huit façades décorées de peintures allégoriques qu'exécutèrent Chaman el Girardel : autour se dressaient quatre pyramides ornées des armoiries des maisons d'Autriche et de Lorraine, semées de devises et d'inscriptions.

 

Elisabeth Charlotte

 

Les habitants de Nancy et des autres villes des duchés ne négligèrent rien non plus pour donner des preuves de leur affection et de leur dévouement au souverain qui, peu de jours après, allait les abandonner : le 11 avril 1730, François renonçait solennellement à l'ancien patrimoine de ses ancêtres, mais ce fut seulement le 15 février 1737 que fut signé le traité qui attribuait les duchés de Bar et de Lorraine au roi Stanislas, et les réunissait après sa mort à la France.

A Paris on apprit cet événement avec la plus vive satisfaction. Marie Leczinska, disait d'Argenson, allait se trouver ainsi dotée « de la province la plus désirable pour la France qu'on eut eue en vue depuis longtemps, même plus que la Bretagne, que nous avait apportée Anne.»

Elisabeth-Charlotte, indignée de la conduite de François, avait refusé d'aller finir ses jours à Vienne ou à Bruxelles, comme on le lui conseillait, et demandé au roi qu'il lui fut permis de ne jamais quitter le château de Lunéville. On lui promit d'abord cette faveur : « Je reçois votre compliment, écrivait-elle à la marquise d'Auléde, sur la grâce que le roi veut bien me permettre de rester ici... D'abord que le roi le permette, je n'en sortirai surement pas, et je ne suis pas comme mon fils, qui préfère d'être simple sujet de l'Empereur à être souverain. Je ne reconnais en rien mon sang dans tout ce qu'il vient de faire contre lui-même, son frère et ses sœurs, et je lui aurais cru plus de fermeté... J'aime fort la Lorraine et les Lorrains ; je n'en suis point haïe, et, par conséquent, je resterai avec eux jusqu'à la fin de mes jours ; mais, pour l'Empereur, j'aimerais mieux mourir tout à l'heure que d'être sous sa domination. Je vivrai de ma vie, car je serai ici, ou bien à Paris, si le roi le veut.

Aussi lorsque le ministère français lui fit savoir que le château de Lunéville était la seule résidence où pussent se loger convenablement Stanislas et sa famille, la veuve de Léopold ne fit entendre aucune plainte, et accepta avec reconnaissance le château de Commercy qu'on lui offrit sa vie durant.

 

Elisabeth Charlotte avec son fils François Etienne de Lorraine

 

 

 

Avant de quitter Lunéville, la duchesse douairière y reçut l'ambassadeur du roi de Sardaigne, le prince de Carignan, chargé de demander, au nom de son maître, la main d'Elisabeth-Thérèse, l'aînée des princesses lorraines. La cérémonie des fiançailles fut célébrée le 5 mars 1737. Le lendemain, Elisabeth- Charlotte et ses filles s'éloignaient pour toujours du château qu'avait bâti Léopold : « Ce serait tenter l'impossible, écrit un contemporain, que de vouloir dépeindre la consternation, les regrets, les sanglots et tous les symptômes de désespoir auxquels le peuple se livra à l'aspect d'une scène qu'il regardait comme le dernier soupir de la patrie. Il est presque inconcevable que des centaines de personnes n'aient pas été écrasées sous les roues des carrosses, ou foulées sous les pieds des chevaux, en se jetant aveuglément, comme elles diront, à travers les équipages, pour en retarder le départ. Pendant que les clameurs, les lamentations, l'horreur et la confusion régnaient à Lunéville, les habitants de la campagne accouraient en foule sur la route par où la famille royale devait passer, et la conjuraient de ne pas les abandonner.

Quelques mois après 10 juillet 1737, Jean-Gaston de Médicis rendait le dernier soupir. François entra aussitôt en possession de la Toscane, et Elisabeth-Charlotte eut encore la douleur de voir M. et Mme de Craon accompagner son fils à Florence et conserver sous lui l'influence qu'ils avaient exercé à Lunéville. Du moins la dernière duchesse de Lorraine trouva des consolations dans le respect affectueux de ses anciens sujets, pour qui elle était désormais la vivante personnification de l'indépendance nationale, et qui laissèrent éclater de profonds regrets lors de ses funérailles à Commercy (décembre 1744).

 

le château de Commercy

 

Fin de la première partie

 

La première partie traitait de la vie à la cour de Lunéville sous Léopold.

La deuxième partie s’intéressera aux Etats de Lorraine sous ce règne.

 

 

 



24/05/2020
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