La Lorraine dans le temps

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Le queulot

 Lorsque les confréries de fous s'organisèrent en Europe, Failly, village situé à huit kilomètres de Metz eut la sienne, nommé Chaty, et présidée par un maire assisté de quatre conseillers. Aujourd'hui encore, le jour de la Purification, à l'issue des vêpres, le maire de Chaty, accompagné de ses conseillers, tenant à la main une lance, au millésime de 1514, se place au bas de l'escalier du cimetière : pendant qu'un autre individu, nommé queulot armé d'une perche fendue, à l'extrémité de laquelle se trouve un torchon imprégné des matières les plus dégoutantes, attend la sortie de l'office pour barbouiller les passants et surtout les belles toilettes. Tout le monde est queulé, même le pasteur, lorsqu'il passe imprudemment près du fatal torchon, et s'il survenait quelque opposition sérieuse, le maire et ses assesseurs maintiendraient l'usage dans toute sa rigueur. Au besoin, le village entier les soutiendrait.

Cette cérémonie se reproduit chaque dimanche jusqu'au mardi-gras, jour où l'on élit un nouveau « maire » de Chaty pour l'année. La nomination du maire se fait de la manière suivante :

Les électeurs jettent dans un van autant de sous qu'il y a de prétendants celui qui réunit le plus de têtes est élu.

On le porte en triomphe sur le manche de la lance, jusque chez lui. Arrivé dans sa maison, il fait dresser la table, et régale ses quatre derniers prédécesseurs qui deviennent ses conseillers. Les libations commencent par une chopine de vin et vont en augmentant jusqu'à un chaudron.

Pendant ces nombreuses rasades, nul autre n'a le droit de s'asseoir, que le maire de Chaty, sous peine de voir se recommencer à ses frais les: libations déjà faites.

Le premier dimanche de carême, on procède à l'élection du queulot pour l'année suivante. A cet effet dès la nuit tombante, on allume une bure de javelle préparée d'avance, et les trois orateurs du village viennent débiter en patois des bouts rimés, composé sur le compte du jeune marié qui a donné le plus de prise à la critique. On appelle item cette sorte de versets. A la fin de chaque item, qui finit toujours par ces mots ne mérite-t-il me d’être queulot ? L'assemblée répond en choeur : queulot, queulot, queulot, et les boîtes se font entendre. Le troisième item terminé, l'un des orateurs monte sur un tonneau et proclame le queulot à haute voix. L'assemblée répond par des acclamations répétées. Presque jamais on ne refuse cette dignité.

Cette ancienne coutume du village de Failly a fait donner à ses habitants le nom de queulots.

 

Jean Julien

(D'après la revue l'Austrasie de 1839)

 

 



31/12/2017
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