La Lorraine dans le temps

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Les Etats de Lorraine sous Léopold - 2.9 les élections municipales

L’intrigue et la cabale ne tardent pas à s’emparer des élections, à en fausser la sincérité et à faire porter le choix du souverain sur des hommes incapables. Léopold croit qu’il lui suffit de condamner et de proscrire ces manœuvres frauduleuses pour les faire cesser, mais elles se renouvellent au contraire et prennent chaque année plus d’activité. D’autre part, les officiers issus de l’élection, n’étant qu’une année en place dans la plupart des villes et des bourgs, ils se montrent d’une indulgence blâmable envers ceux qui les ont élus, et ne ménagent pas moins les bourgeois qu’ils croient devoir leur succéder l’année suivante et dont ils redoutent les rancunes. Ils ne songent qu’à se faire des amis pendant leur magistrature, ils manquent de fermeté pour la défense des intérêts publics qui périclitent en leurs mains, et si, par hasard, il y en a parmi eux de dévoués et de zélés, ces derniers soumis aux renouvellements annuels, n’ont pas le temps de devenir des administrateurs habiles et éclairés, ni de mener à bonne fin les projets utiles qu’ils conçoivent. Des désordres, suite naturelle de ce vicieux état de choses, sont chaque jour signalés dans la gestion des affaires municipales.

Tous ces faits déterminent Léopold à bannir l’élection elle- même et à établir, en février 1707, dans les trente hôtels de ville existant alors, des fonctionnaires permanents à sa nomination directe, qui s’informeront mieux des intérêts et des besoins locaux, qui, certains de ne pas sortir périodiquement de leurs charges, s’en acquitteront en bons magistrats et qui réaliseront plus sûrement leurs vues d’amélioration.

Ces officiers permanents recevront des gages variant de cent vingt-cinq francs à douze cents francs par an, et dans lesquels entreront néanmoins les émoluments, francs-vins et autres profits d’usage ; ils paieront leurs charges, mais elles ne seront pas incompatibles avec d’autres offices.

 

Forteresse de Châtel sur Moselle

 

 

On essaie de cette innovation pendant quelques années, mais il en ressort un vice qui avait échappé à la sagacité du souverain. C’est que les officiers permanents, maîtres absolus des deniers de la cité, peuvent sous différents prétextes et par des voies indirectes, en abuser et les divertir sans qu’il y ait moyen de découvrir la vérité lors de la reddition de leurs comptes. Frappé de ce danger, Léopold cherche à les conjurer, en déclarant, le 29 octobre 1712, qu’à l’instar de ce qui se pratique à Nancy et à Bar, il fera entrer tour à tour dans les hôtels de ville les lieutenants particuliers, les conseillers et les assesseurs des bailliages et des sièges bailliagers. Ces magistrats siégeront immédiatement après les prévôts chefs de police ; ils auront voix délibérative dans les jugements et les règlements, mais ils ne toucheront aucun gage et n’auront aucune part dans les profits et émoluments. Leur mission sera surtout de veiller à l’entière exécution des ordonnances ducales dans les hôtels de ville et à l’emploi le plus avantageux des deniers publics dont ils empêcheront le gaspillage. Ils devront, sous leur responsabilité personnelle, rendre compte de toutes les contraventions et de tous les abus aux secrétaires d’État qui prendront les ordres du duc pour leur répression.

Malgré ces mesures de prudence, la permanence ne remplit pas les vues de Léopold. Il reprend l'ancien mode de nomination périodique par élection, avec l’espoir de provoquer et d’entretenir cette fois parmi les bourgeois une noble émulation pour les honneurs de la magistrature municipale et le désir de s’appliquer et s’en rendre dignes. Sa déclaration du 1er avril 1720 ne laisse donc plus en fonctions les conseillers des hôtels de ville que jusqu’au 1er janvier 1723 et dispose que, le 22 décembre 1722, à l’issue de la messe paroissiale, devant l’église et en présence du chef de police, du syndic et du greffier, les bourgeois éliront, à la pluralité des voix, quinze notables dans les villes à une paroisse, et dans celles où il y en a plusieurs, huit notables par paroisse. Dans ces dernières villes, les suffrages de la principale paroisse seront reçus par le chef de police et les autres par les officiers désignés trois jours d’avance en assemblée extraordinaire de l’hôtel de ville.

Les notables ainsi élus se réuniront le 1er janvier 1723, en l’hôtel de ville, à l’heure fixée par le chef de police afin de choisir, avec sa participation et celle des juges des bailliages, sénéchaussées, prévôtés et grueries, des procureurs et des substituts du duc auprès de ces sièges et des officiers de police inamovibles, et à la pluralité des voix les candidats de la bourgeoisie parmi lesquels le duc prendra les successeurs des conseillers à remplacer. La liste de ces candidats sera immédiatement transmise au secrétaire d’État compétent : les officiers de justice ne pourront y figurer. L’élection se renouvellera tous les trois ans.

Une disposition spéciale de cette déclaration autorise les chefs de police, les syndics, les conseillers, les greffiers et les receveurs des hôtels de ville à percevoir annuellement la moitié des sommes fixées antérieurement à l’édit de mars 1720 et à continuer de jouir de leurs droits casuels.

 

Châtel sur Moselle

 

La déclaration du 4 avril 1720 ne s’appliquait pas toutefois aux hôtels communs des villes de Nancy et de Bar.

Mais avec le droit d’élire, réapparaissent les intrigues et les manœuvres dont Léopold avait eu à se plaindre. La bourgeoisie se laisse de nouveau influencer par des meneurs à qui tous les moyens de succès sont bons, et choisit comme auparavant, au lieu d’hommes recommandables par leur instruction et leur aptitude, des gens qui n’offrent aucune garantie de capacité. Le prince se voit malgré lui forcé de lui retirer derechef, par son édit d’octobre 1723, un droit dont elle ne sait faire qu’un mauvais usage, et, non content de déclarer permanents les offices de lieutenants généraux de police, conseillers, commissaires, procureurs-syndics, secrétaires greffiers et receveurs des hôtels de ville, il les rend héréditaires moyennant le paiement d’une somme réglée en son conseil et dont la rente sera servie aux titulaires.

Les sommes exigées sont en rapport avec l’importance des localités. A Nancy, par exemple, le lieutenant général est taxé à 10000 livres, chacun des quatre conseillers à 8000 livres, chacun des quatre commis à 3000 livres, le procureur-syndic à 4000 livres, le secrétaire greffier à 8000 livres et le receveur à 10000 livres ; à Épinal, chacun des quatre conseillers doit payer 3000 livres, de même que le procureur-syndic et le secrétaire greffier, et le receveur 3300 livres, etc.

Pour couronner son œuvre, le duc crée également à titre héréditaire, par son édit du 7 janvier 1727, un office de conseiller pour la noblesse dans les hôtels de ville de Nancy, Mirecourt, Sarreguemines, Lunéville, Bar, Saint-Mihiel, Pont-à-Mousson, Épinal, Étain, Châtel, Vézelise, Commercy, Bruyères, Saint-Dié et Neufchâteau. Ces charges sont réservées exclusivement aux nobles, elles donnent entrée, rang, séance, voix délibérative dans les assemblées après les Chefs et les lieutenants de police. Les titulaires perçoivent une part dans les droits et émoluments comme les conseillers permanents et touchent en outre, pour leur tenir lieu de gages, cinq pour cent du prix de leurs offices sur les ressources financières des villes.

Dans les villages les habitants se réunissent à la tenue des plaids-annaux (1) pour nommer, à la pluralité des voix, le maire, les échevins, le syndic et le sergent chargés d’exercer la police et les autres fonctions qui ne sont pas de la juridiction contentieuse.

Les bans de vendanges, fenaisons et moissons sont établis par la communauté elle-même après les visites d’usage et sur l’avis du prévôt, quand il est présent. Ce magistrat, dont les attributions sont d’une extrême variété, ajuste les mesures, vérifie les poids el les balances, fait les règlements de police nécessaires et punit les contrevenants de concert avec les autres officiers de sa prévôté. La taxe des vins est aussi faite par lui en assemblée communale, au son de la cloche et après avoir entendu les maires et les échevins, si toutefois ils ne sont pas eux-mêmes concernés.

 

(1) Voir article consacré aux plaids annaux dans mon blog « la-lorraine-dans-le-temps.com » chapitre mode de vie – coutumes.

 

 



26/07/2020
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