La Lorraine dans le temps

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Les Plaids annaux

Le duc Charles III créa, en 1598, les « Plaids annaux », institution spéciale à la Lorraine.

Ces plaids se tenaient dans chaque village et chaque année, vers le milieu d'octobre. Tous les habitants du village étaient tenus d’y assister sous peine d’amende. C’est là qu’on procédait à la nomination des maires et échevins, gardes-champêtres, gardes-chasses, gardes-forestiers et à leur prestation de serment.

Vers la Saint-Martin, à l’époque où le paysan avait terminé ses travaux et fait quelque argent avec ses récoltes, le seigneur ordonnait à son maire de prévenir les habitants du jour, du lieu et de l’heure où se tiendraient les Plaids et de faire lire par le greffier le rôle des amendes champêtres encourues dans toute l’année.

Le sergent avertissait les habitants, le greffier lisait son rôle le dimanche suivant et, au jour dit, les habitants se réunissaient dans une des salles de la propriété seigneuriale ou dans l’auditoire de justice.

 

 

Le juge seigneurial présidait et le procureur fiscal jouait le rôle de ministère public. Sur la réquisition de ce dernier, le juge déclarait la séance ouverte, constatait les absences, prononçait l’amende, s’il n’y avait excuse légitime et défendait aux assistants de troubler la séance par des cris ou du bruit et de sortir avant la fin.

Puis le greffier lisait la longue énumération des droits seigneuriaux telle qu’elle se faisait depuis des siècles : « Appartient au seigneur de ce lieu le droit de Haute, Moyenne et Basse Justice, etc... ».

Les habitants étaient admis à présenter des observations ; mais ils ne s’y hasardaient guère, car si les droits leur semblaient onéreux, ils ne pouvaient contester qu’ils existaient depuis fort longtemps et avaient été reconnus par leurs ancêtres, comme le témoignaient des liasses de vieux papiers conservés au greffe.

Arrivait alors le tour des amendes champêtres.

Pendant toute l’année, les « bangards » ou gardes du ban constataient les délits et dressaient des procès-verbaux ; ils avaient soin, autant que cela était possible, de « gager », c’est-à-dire de saisir une pièce à conviction. Par exemple, s’ils trouvaient un cheval ou une vache dans une pâture interdite, ils ramenaient la bête au village et comme disent beaucoup de procès-verbaux, la « déposaient » au greffe ; d’où le propriétaire ne la tirait qu’en payant les dépenses et en signant lui-même le procès-verbal qui constatait le délit.

C'était seulement aux Plaids annaux que la punition était prononcée. Sur les réquisitions du procureur, le juge « échaquait » l’amende, c’est-à-dire fixait le taux, suivant le cas, écrivant à la marge du procès-verbal : « échaqué à 5 sols, à 10 sols, à 3 livres » ou bien : néant, s’il annulait le procès-verbal, ce qui arrivait quelquefois, quand le garde ayant négligé de « réaliser » ou « gager » son affirmation était contredite par les intéressés.

Les amendes « échaquées » et payées, on renommait les fonctionnaires inférieurs de la seigneurie, maire, lieutenant de maire, échevin, greffier, sergents, qui, assez souvent, étaient choisis sur une liste dressée par les habitants et, qu’en tous cas, ils devaient agréer ; après quoi, le juge renouvelait les anciens règlements de police ou en promulguait de nouveaux. Par exemple, il défendait de fréquenter les cabarets, d’anticiper sur les chemins, de faire charivari aux noces, d’aller dans les écuries avec des lanternes non fermées, d’amener à l’église des enfants en bas âge qui troublaient les offices, d’enlever les grains non dîmés...

Enfin, on dressait le procès-verbal de la séance qui était signé du juge, du procureur, du greffier, de tous les fonctionnaires nommés et tous ensemble allaient dîner, ordinairement aux frais du seigneur, qui payait, en outre, les honoraires du juge-garde et du procureur.

 

Les Plaids annaux étaient tenus au nom des seigneurs qui possédaient une seigneurie par « indivis » ou alternativement au nom de chacun d’eux ; car rien n’était plus fréquent que de voir les droits fonciers ou ceux de justice, partagés entre plusieurs propriétaires d’un village.

 

Albert Thiébaut

 



04/02/2019
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