La Lorraine dans le temps

La Lorraine dans le temps

Condamnations des animaux

Il fut un temps en France où des tribunaux prononçaient des condamnations contre des animaux prévenus de certains délits, et où l’autorité ecclésiastique lançait les foudres de l’excommunication contre des insectes nuisibles. Cet usage de la justice divine et humaine peut paraitre de nos jours, farfelue, pendant longtemps peu de gens y accordèrent foi, mais des documents authentiques ne permettent plus de douter sur cette réalité. Pendant une assez longue période du moyen âge, la pensée de soumettre à l’action de la justice tous les faits condamnables, de quelque être qu’ils provinssent, loin d’être ridicule, cette idée a été largement répandue.

Barthélemy Chassanée, célèbre jurisconsulte du XVIème siècle, a composé plusieurs conseils, après avoir examiné les moyens de citer en justice certains animaux, il recherche qui peut légalement les défendre et devant quel juge ils doivent être amenés.

Il se fit également connaître, en défendant les rats du diocèse d’Autun. Il sut montrer dans cette circonstance tant d’éloquence et d’habileté que ce procès lui valut une grande célébrité. C’est ainsi que l’assignation étant régulière en la forme, il obtint pourtant qu’on l’annulât sous prétexte que, l’action intentée intéressant tous les rats, il était illégal d’en citer seulement quelques-uns. Adoptant ses motifs, le juge enjoignit de réassigner les rats par l’entremise des curés de chaque paroisse d’Autun, à l’aide d’une publication faite au prône. Fier de son succès, Chassanée ne s’arrêta pas là. Il parvint à démontrer que les délais pour comparaître, quoique considérables, n’étaient pas encore suffisants, il s’étendit sur la distance, véritablement longue, pour les courtes pattes de ses clients ; il supputa les difficultés du voyage ; montra les chats du voisinage guettant leurs proies ; indiqua les tours et détours nécessaires. Bref sur ce point aussi il eut gain de cause et l’on prorogea le terme de la comparution.

Extraits de condamnation, procès, excommunications :

1120 - Mulots et chenilles excommuniés par l’évêque de Laon.

1266 - Pourceau brûlé à Fontenay-aux-Roses, près Paris, pour avoir dévoré un enfant

1386 - Truie mutilée à la jambe, à la tête et pendue, pour avoir déchiré (déchiqueté) et tué un enfant, suivant la sentence du juge de Falaise.

1394 - Porc pendu pour avoir meurtri et tué un enfant, en la paroisse de Roumaigne, vicomté de Motaing.

1404 - Trois porcs suppliciés à Rouvres, en Bourgogne, pour avoir tué un enfant dans son berceau

17 juillet 1408 - Porc pendu à Vaudreuil pour un fait de même nature, conformément à la sentence du Bailly de Rouen et des consuls, prononcée aux assises de Pont-de-L’arche tenues le 13 du même mois.

24 décembre 1414 - Petit pourceau traîné et pendu par les jambes de derrière, pour meurtre d’un enfant, suivant sentence du mayeur et des échevins d’Abbeville.

14 février 1418 - Autre pourceau coupable du même fait et pendu de la même manière, en vertu d’une sentence du mayeur et des échevins d’Abbeville.

Vers 1456 - Porc pendu en Bourgogne pour une cause semblable.

10 janvier 1457 - Truie pendue à Savigny pour meurtre d’un enfant âgé de cinq ans.

1473 - Pourceau pendu à Beaune par jugement du prévôt de cette ville, pour avoir mangé un enfant dans son berceau.

1474 - Coq condamné à être brûlé par sentence du magistrat de Bâle, pour avoir fait un œuf.

1488 - Becmares (espèce de charançons) Les grands vicaires d’Autun demandent aux curés des paroisses environnantes de leur enjoindre, pendant les offices et processions, de cesser leurs ravages et de les excommunier.

10 avril 1490 - Pourceau pendu pour avoir meurdri (tué) un enfant en son bers (berceau). Le Livre rouge d’Abbeville, qui mentionne ce fait, ajoute que la sentence du maire d’Abbeville fut prononcée par ce magistrat sur les plombs de l’eschevinage, au son des cloches, le 10me jour d’avril 1490.

14 juin 1494 - Sentence du grand mayeur de Saint-Martin de Laon qui condamne un pourceau à être pendu pour avoir défiguré et étranglé un jeune enfant dans son berceau

1497 - Truie condamnée à être assommée pour avoir mangé le menton d’un enfant du village de Charonne. La sentence ordonna en outre que les chairs de cette truie seraient coupées et jetées aux chiens ; que le propriétaire et sa femme feraient le pèlerinage de Notre-Dame de Pontoise, où étant le jour de la Pentecôte, ils crieraient : Merci! de quoi ils rapportèrent un certificat.

1499 - Un taureau est condamné à la potence (pendu), par jugement du bailliage de l’abbaye de Beaupré (Beauvais) pour avoir tué un jeune garçon.

18 avril 1499 - Sentence qui condamne un porc à être pendu, à Sèves, près Chartres, pour avoir donné la mort à un jeune enfant.

1540 - Pourceau pendu à Brochon, en Bourgogne, pour un fait semblable, suivant sentence rendue en la justice des chartreux de Dijon.

1554 - Sangsues excommuniées par l’évêque de Lauzanne, car elles détruisaient les poissons

20 mai 1572 - Sentence du maire et des échevins de Nancy qui condamne un porc à être étranglé et pendu pour avoir dévoré un enfant à Moyen-Moutier.

1585 - Le grand vicaire de Valence fait citer les chenilles devant lui, leur donne un procureur pour se défendre et finalement les condamne à quitter le diocèse

1690 - En Auvergne, le juge d’un canton nomme aux chenilles un curateur, la cause est contradictoirement plaidée. Il leur est enjoint de se retirer dans un petit terrain (indiqué dans l’arrêt) pour y finir leur misérable vie.

La Lorraine ne fit pas exception à cette coutume. Voici quelques exemples rapportés par J-B Ravold d’après un texte de Dumont :

1349 - Truie traînée et pendue à Châtillon, pour avoir dévoré un enfant.

1354 - Truie traînée et pendue à Broussey-en-Blois, pour avoir dévoré un enfant.

Vers 1370 - l'exécuteur des hautes oeuvres fut appelé à procéder à l'exécution d'un pourcel qui avoit estranglé un enfant.

1408 -Exécution à Saint-Mihiel d'un pourcel qui avoit dévouré un enfant.

30 mars 1467 - Exécution par pendaison, à Bar-le-Duc, par Me Didier, sergent, et exécuteur de la haute justice, d'un chat qui avait étranglé un enfant de quatorze mois, dans la maison de Clément le-Bachelier de Longeville.

1504 - A Briey, un porc ayant tué un enfant de deux ans, est pendu par le bourreau.

1512 - L'exécuteur de Metz, pend un taureau homicide sur le chemin de Sainte-Barbe, lieu de la perpétration du crime.

1519 - Un porc pendu à Moyeuvre-la-Petite, pour avoir dévoré un enfant.

1548 - Une truie qui avait dévoré un enfant à Boucq, est exécutée au gibet de Foug, siège de la prévôté.

1550 - Exécution à Briey d'un verrat qui avait étranglé un enfant à Gondreville.

1554 - Un porc exécuté pour avoir mangé la figure de l'enfant de Marcel Georges, du village de Bremoncourt. Le prévôt du seigneur de Méhoncourt, s'étant emparé de ce porc pour le |pendre, l'abbé de Belchamps se hâta de prévenir le duc qui contraignit l'usurpateur â ramener l'animal où il l'avait pris, -afin qu'il fût fait justice par ses officiers.

1558 - Un enfant ayant été mangé à Boucq, par un troupeau de cochons, tous les coupables sont pendus.

1509 - laie exécutée à Briey pour avoir mangé un enfant à Lantéfontaine. Porc exécuté à Amance, remis au prévôt par le prieur de Salonne.

1572 - Exécution à Moyenmoutier par la justice du révérendissime abbé, d'un porc qui avait dévoré un enfant de Claudon François dudit lieu.

1584 - Porc pendu à Heillecourt.

1586 - Porc pendu â Sancy, pour avoir dévoré un enfant.

1600 - Porc pendu â Nancy, hors la ville.

1612 - Truie pendue â Epinal, pour avoir mangé l'enfant du meunier du moulin de Gaulcheux.

1662 - Laie pendue à Mirecourt, pour avoir mangé un enfant. (DUMONT, t. II, pp. 199-200).

 

Denis BERNARD

 

Sources :

Le magasin pittoresque 1833 sur Gallica – Bibliothèque Nationale de France.

Curiosités judiciaires et historiques du moyen âge. Procès contre les animaux sur Gutenberg.org

Histoire démocratique et anecdotique des pays de Lorraine, de Bar et des Trois Evêchés depuis les temps les plus reculés jusqu’à la Révolution française – tome 2, par JB Ravold – édition de 1889.

 



18/01/2018
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