La Lorraine dans le temps

La Lorraine dans le temps

la Lorraine sous Léopold - 2.26 - médecine et chirurgie

 

Par deux édits des 5 octobre et 30 décembre 1698, M. Henri Cornet de Selleville est appelé aux triples fonctions de premier valet de chambre, de premier chirurgien et de barbier ordinaire du duc Léopold. Pas plus que celui de barbier, le titre de valet de chambre n’était humiliant ; il n’imposait pas à la personne qui le portail les devoirs serviles qu’on pourrait croire. Correspondant à peu près au litre de chambellan, il rapprochait le sujet du souverain et il était recherché par la noblesse. En possession des droits, de l’autorité et des privilèges accordés au premier chirurgien du duc Charles IV, M. de Selleville se nomme des lieutenants dans tous les lieux où il en reconnaît le besoin, et veille avec eux à ce que la chirurgie soit bien et fidèlement exercée partout, ainsi que le veulent les statuts et les règlements du23 août 1664. Dans les lieux sans maîtrise, nul ne peut tenir boutique, prendre bassins ou pratiquer la chirurgie, sous peine d’une amende de 60 francs, avant qu’il n’ait été examiné et reçu maître par le premier chirurgien ou par ses lieutenants. L’examen porte d’abord sur la connaissance du corps humain et des maladies externes, tels que plaies, ulcères, fractures et dislocations ; ensuite sur la connaissance des remèdes et médicaments tant simples que composés, comme les onguents, les emplâtres, les poudres, les liniments et les huiles, et en troisième lieu sur les opérations nécessaires à la guérison. Pour chef-d’œuvre, on exige la démonstration anatomique du corps en tout ou en partie, avec les opérations chirurgicales, comme bandages, saignées, application de cautères, trépans et autres.

En établissant par son édit du 18 février 1707 une chaire de chirurgie à l’Université de Pont-à-Mousson, le duc supprime les offices de premier chirurgien et de chirurgiens lieutenants, donne à ces derniers le titre et les fonctions de chirurgiens jurés aux rapports et soumet la chirurgie à de nouvelles règles. A l’avenir tout aspirant chirurgien se présentera devant la communauté de chirurgiens de son département, justifiera d'une année d’études sous le professeur de l’Université, d’une année d’apprentissage sous un bon maître, de deux années au moins de service dans les hôpitaux ou chez d’autres maîtres chirurgiens, et subira trois examens de chirurgie au choix des maîtres de la communauté. Après quoi ceux-ci lui délivreront des lettres de chirurgie qui lui coûteront 35 francs barrois.

L’aspirant qui, n'ayant pas passé par l’Université, justifiera d’un apprentissage fait sous quelque bon maître, subira seulement un examen devant le professeur assisté d’un médecin et d’un maître chirurgien, et s’il y satisfait convenablement, il recevra de son examinateur un certificat dont le droit est fixé à 26 francs. Avec ce certificat, il sera admis dans la communauté de chirurgiens qu’il choisira, sous la condition de se conformer à ses règlements-et à ses usages.

Les chirurgiens précédemment reçus par le premier chirurgien du duc ou ses lieutenants et qui n’étaient pas maîtres étaient à peu près traités comme les officiers de santé de nos jours. Il leur était interdit de faire aucune opération grave, aucune amputation, aucun trépan, sans le secours et l’assistance d’un maître en chirurgie, et d’entreprendre la guérison des maladies secrètes, fièvres malignes, pourpre, petite vérole etc, sans la participation d’un médecin ou d’un maître chirurgien.

La Lorraine voit paraître, le 28 mars 1708, une nouvelle ordonnance réglementaire sur la médecine, la chirurgie et la pharmacie.

Cette nouvelle ordonnance prescrit l'enseignement de la médecine dans l’université de Pont-à-Mousson, avec toute l’application et l’exactitude possibles, par des professeurs largement privilégiés et rétribués. Les chaires de médecine sont mises « au concours et dispute publique par affiches et les suffrages donnés par scrutin. » Les élèves doivent avoir étudié deux ans en philosophie. Les professeurs font, deux fois l’an, la démonstration des plantes usuelles et mènent herboriser leurs écoliers à la campagne. Le samedi de chaque semaine ils donnent des consultations gratuites aux pauvres qu’au besoin ils opèrent gratuitement aussi. Les médecins étrangers ne s’établissent en Lorraine qu’en justifiant de deux années d’études consécutives et qu’en subissant les examens voulus à l’Université. Tout médecin doit être pourvu du grade de licencié, sous peine d’amende. L’exercice de l’art de guérir étant interdit aux ecclésiastiques par le droit canonique, le duc maintient cette interdiction.

Le professeur de chirurgie divise son cours de la manière suivante : il traite, de la Saint Martin à Noël, des tumeurs, plaies, ulcères, fractures et luxations avec démonstration anatomique ; de la Purification à Pâques, des opérations chirurgicales ; du 15 juin au 1er août, de l’ostéologie, des bandages et des plantes officinales. Cet enseignement compte pour l’année entière d’études exigée des aspirants en chirurgie, qui doivent en outre faire une année d’apprentissage chez un maître chirurgien. Les juges du bailliage de Pont-à-Mousson et des autres tribunaux, de même que les directeurs des hôpitaux, sont chargés du triste devoir de fournir, sur la réquisition du professeur de chirurgie, les cadavres nécessaires aux démonstrations anatomiques. Ces cadavres, quand il y a lieu, sont amenés à la ville en sûreté et aux frais du duc. Les maîtres barbiers et perruquiers ne peuvent, à peine d’amende arbitraire, faire aucune opération chirurgicale, ni permettre à leurs garçons d’en faire, ni posséder des instruments de chirurgie.

C’est ici le lieu de faire remarquer que la profession de barbier-baigneur-étuviste-perruquier était tenue en grande considération. On la regardait comme l’art de contribuer beaucoup non-seulement à la propreté et à l’ornement du corps, mais encore à la santé de l’homme. Léopold, reconnaissant l’utilité de ses services et la nécessité de la distinguer de celle des maîtres chirurgiens barbiers, l'érige, le 14 juillet 1710, en maîtrises, corps et communauté. Chaque perruquier doit se pourvoir, moyennant finances, d’un diplôme du duc. Sans ce diplôme, il ne peut tenir boutique, travailler, faire aucun exercice de son art, faire barbe, vendre, débiter perruques, acheter ni vendre des cheveux, soit en public, soit en particulier, ou bien il est puni d’une amende de 300 francs. Du reste, il n’a à payer pour son brevet que la somme de 10 livres, parchemin compris. Les lieutenants généraux des bailliages reçoivent le serment des perruquiers et les admettent à l’exercice de leur profession. Le duc n’entend toutefois porter aucune atteinte aux droits des barbiers chirurgiens, ni les empêcher, pas plus que leurs garçons, de faire le poil et la barbe comme par le passé.

L’ordonnance du 28 mars 1708 défend aux chirurgiens d’exercer la pharmacie dans les lieux où il y a des apothicaires, comme aux apothicaires d’exercer la chirurgie dans les lieux où il y a des chirurgiens. Les médecins ne préparent pas les remèdes ; ils envoyant leurs formules aux apothicaires. Les remèdes et les médicaments vénéneux sont placés par les apothicaires dans des lieux à part ; ils ne peuvent être vendus que sur la déclaration de l’emploi qui en sera fait et sur l’inscription du nom des acheteurs sur un registre spécial et en présence de témoins.

Les charlatans, les coureurs, les sages-femmes qui, sans autorisation de médecin, vendent des remèdes, sont arrêtés sur le champ et restent en prison tout le temps fixé par le juge. Personne ne peut ouvrir une pharmacie sans être nanti d'un brevet régulier d’apothicaire. Seulement les communautés et les maisons religieuses ont la faculté de préparer les médicaments dont elles ont besoin. Dans les hôpitaux et les maisons-Dieu, les filles de charité peuvent, sous la surveillance d’un médecin et d’un apothicaire, saigner et panser les malades pauvres et leur administrer les remèdes, le tout gratuitement et sans espoir de salaire. Il est interdit aux apothicaires, domiciliés dans les localités pourvues de médecins, de traiter eux-mêmes les malades et de leur distribuer des remèdes sans l’avis et l’ordonnance des médecins comme d’exécuter les prescriptions des chirurgiens et des charlatans.

Léopold ordonne aux médecins, aux chirurgiens et aux apothicaires de se renfermer chacun dans les limites de leur profession, et aux chirurgiens et aux pharmaciens d’exercer la leur sous la direction des médecins. Il est loisible à ces derniers de faire l’autopsie des individus morts subitement, extraordinairement ou sans cause connue. Les filles de charité sont tenues de les avertir de ces sortes de décès, quand ils surviennent parmi les pauvres, et, en cas de besoin, les juges et les chefs de police leur prêtent main-forte.

Afin d’apaiser les réclamations journellement élevées contre les prétentions exagérées des pharmaciens, le duc confie à son premier médecin, M. le conseiller d’État Alliot, le soin de dresser le dispensaire des drogues et des médicaments qui seront tenus dans chaque officine et de les taxer, et veut que les médecins s’assurent par de fréquentes visites que ce dispensaire est observé.

 

A suivre.

 

Source : la Lorraine sous le duc Léopold – Ch Charton – 1866.

 

 



20/06/2021
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