La Lorraine dans le temps

La Lorraine dans le temps

La Lorraine sous Léopold - 2.27 l'académie de peinture et de sculpture

 

En prince éclairé, Léopold aimait et encourageait les arts. Il savait que, de concert avec les lettres et les sciences, ils font la gloire et la prospérité des empires les plus florissants et procurent les plus douces jouissances aux souverains. Ses prédécesseurs les chérissaient comme lui ; ils avaient travaillé à en répandre le goût en Lorraine, mais les guerres avaient paralysé leurs efforts. Leurs plus habiles artistes s'étaient expatriés et la province ne possédait plus que des peintres et des sculpteurs qui ne pouvaient pas élever leur profession au-dessus des ouvrages les plus élémentaires.

 

Le duc tient à relever ces deux arts qui brillaient autrefois dans ses états, et qui alors étaient en quelque sorte anéantis.

Auprès de lui se trouvent des artistes et des savants d’un mérite éminent, tels que Pierre Bourdier, son premier architecte et le directeur de ses travaux de sculpture, Claude Charles, peintre ordinaire de son hôtel, Joseph Provençal, autre peintre, Antoine Cordier, orfèvre-ciseleur et Renaud Mény, sculpteur de son hôtel.

Ces personnages, connaissant ses dispositions, lui proposent de fonder dans sa capitale une académie semblable à celles de Rome et de Paris, dont  ils lui communiquent les statuts, pour apprendre la peinture et la sculpture à la jeunesse, et de la placer sons la protection de l’un des seigneurs les plus distingués de sa Cour. Le prince s’empresse d’accueillir cette proposition, et, par lettres patentes du 8 février 1702, crée l’Académie de peinture et de sculpture de Nancy, en approuve les statuts et lui donne pour protecteur M. le marquis de Lenoncourt, conseiller d’Etat et premier gentilhomme de la chambre du duc.

Plein de bienveillance pour cette nouvelle institution, Léo­pold veut qu’elle soit installée dans une vaste salle, située au-dessus de la Porte-Neuve entre les deux villes de Nancy, et ordonne au maréchal comte de Carlinford, gouverneur de Nancy, de mettre sans retard cette salle à la disposition de l’Académie, à laquelle il alloue une somme annuelle de 400 francs pour le paiement de ses modèles naturels et de ses autres dépenses.

Les statuts de cette compagnie établissent avant tout que « le lieu où l’assemblée se fera, étant dédié à la vertu, doit être en singulière vénération, tant à ceux qui la com­posent, qu’aux personnes curieuses qui y seraient par eux introduites et à la jeunesse qui, n’étant point du corps de l’académie, y serait reçue pour y venir dessiner et étudier. On ne doit  s’entretenir que de peinture, de sculpture et de mathématiques. Ni banquets, ni festins pour la réception des académiciens ou pour toute autre cause. L’ivrognerie, la débauche et le jeu sont rigoureusement interdits. Les amendes encourues sont affectées aux dépenses de l’académie et à la décoration du lieu de ses séances.

L’académie s’ouvre tous les jours, excepté les dimanches et les jours de fête, en hiver et en été, depuis trois heures jusqu’à cinq pour les mathématiques, et depuis cinq heures jusqu’à sept pour la peinture et la sculpture. Les jeunes gens dessinent, profitent des leçons et paient toutes les semaines ce qui est réclamé pour le modèle mis à disposition par le professeur.

Les anciens ou recteurs se réunissent le premier samedi de chaque mois, sous la présidence du chef, pour délibérer sur les affaires de la compagnie, juger les contraventions  et recevoir les candidats. Les autres peintres et sculpteurs assistent à ces délibérations, si bon leur semble. Le droit de proposition appartient au syndic. Le remplacement des anciens se fait par élection.

Le syndic, élu tous les ans, fait les convocations, vaque aux affaires de l’académie et, en cas d’empêchement, se fait remplacer par un de ses confrères. Sinon, il verse à la caisse cinq livres pour la première contravention à cette règle, le double pour la seconde, et il est, pour la troisième, rayé de la liste des académiciens. La même peine est appliquée à l’ancien de service qui néglige d’ouvrir l’académie, de poser le modèle et de remplir les autres devoirs de sa charge.

L’union et la concorde sont recommandées aux académiciens qui ne doivent point, sous peine d’exclusion, sacrifier à l’envie, à la médisance et à la discorde comme choses contraires à la vertu. Ils doivent se communiquer les lumières dont ils sont éclairés, dire librement leur avis sur les difficultés qu’ils rencontrent dans leur art et se prononcer avec sincérité sur les dessins et les tableaux qui leur sont soumis, et surtout quand ces œuvres sont destinées au duc ou aux princes de sa maison.

Toutes les délibérations de l'académie sont portées sur un registre par les soins de l’ancien de service. Les nominations sont scellées du cachet de ses armes et signées de l’ancien, entre les mains de qui les nouveaux membres jurent, en présence des académiciens, de garder et observer religieusement les statuts de la compagnie. Les enfants des académiciens apprennent le dessin sans rien payer : les autres  élèves sont soumis à une taxe de dix francs barrois. Les candidats, aussitôt leur réception, versent la somme exigée d’eux pour l’ornement et l’entretien de l’académie et donnent en outre un tableau, s’ils sont peintres, ou une œuvre de sculpture, s’ils sont sculpteurs. Pour ne rien livrer au public qui ne soit bon et honnête, les dessins des académiciens sont examinés et visés par la compagnie, avant d’être gravés.

Il faut, pour exercer l'office d’arpenteur, se faire examiner par le professeur de mathématiques et en recevoir un certificat de capacité qui coûte une demi-pistole d’or.

Le sceau de l’académie porte, d’un côté, son écusson, et, de l'autre, le portrait de son protecteur. Le chancelier en a la garde et l’applique sur tous les actes de la compagnie.

Le secrétaire rédige les délibérations et conserve les archives.

Le trésorier fait les recettes et les dépenses et a soin des ustensiles et des tableaux ; ceux-ci ne peuvent être copiés sans la permission de l’académie.

Chaque année, le 17 octobre, veille de la St-Luc, l'académie met au concours un sujet d’histoire et convie tous les étudiants à         y prendre part. Leurs dessins sont remis la veille de la fête Notre-Dame de février, c’est-à-dire quatre mois après la publication du programme, — à la compagnie qui les juge et qui décerne un prix d’honneur à l’auteur du meilleur travail. Le lauréat transforme dans le délai de trois mois son dessin en tableau et en fait don à l'académie.

Il a le droit de choisir à l’avenir, sa place pour dessiner, et de poser le modèle en l’absence du professeur et des académiciens.

L’académie est déclarée unique : toute autre assemblée publique où l’on étudierait d’après le modèle est interdite.

Nul ne peut prendre le litre de peintre ou de sculpteur de Son Altesse  s’il n’est membre de l’académie.

Ses jetons de présence, dont les coins ont été gravés par l’académicien St-Urbain, représentent au droit le marquis de Lenoncourt et au revers Minerve appuyée sur sa lance tenant un bouclier aux armes de ce seigneur.

L’académie de Nancy acquit une certaine célébrité. Elle comprenait des artistes d’un talent vraiment remarquable. On distinguait parmi eux les peintres Christophe, Jacquart, Cliamun , les sculpteurs Chassel, Renard, Bordenave, Dumont et Guibal, les mathématiciens Vayringe et Bavillier, l’ar­chitecte Jennesson. Les académiciens avaient formé de leurs œuvres réunies un musée national d’une grande valeur, mais lors de la cession de la Lorraine à la France, la plupart d’entre eux suivirent à Florence le duc François, fils et successeur de Léopold, et emportèrent leurs productions avec eux. L’académie fut entièrement dépouillée de ses tableaux, qui ornent sans doute encore les célèbres galeries de Flo­rence.

 

Source C. Charton 1866

 

A suivre.

 



27/07/2021
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi